Espace de libertés – Janvier 2016

Une Belgique complice de la déportation


Libres ensemble

27 janvier: journée de la mémoire de l’Holocauste et de la prévention des crimes contre l’humanité

La lutte contre la haine de l’autre, les radicalismes, le fanatisme et la xénophobie est plus que jamais une priorité. Dans ce cadre, le Centre d’Action Laïque, qui a parmi ses objectifs la lutte contre les discriminations, la défense de l’égalité de tous les citoyens et de la démocratie, vient de publier un outil de sensibilisation sur la Shoah en Belgique à l’intention des écoles, mais également du grand public.

Bien avant les attentats de Paris, avant aussi l’attentat qui a coûté la vie à quatre personnes au Musée juif de Belgique en mai 2014, le CAL avait pris la mesure de cette nouvelle donne: notre société fait face à une violence physique et verbale qui rejette tout à la fois les principes d’égalité et de respect des différences, principes fondateurs de notre démocratie.

Dans notre histoire, le moment emblématique auquel ces menaces font directement référence est bien évidemment la période où les nazis ont voulu imposer un «Ordre nouveau», basé à la fois sur une hiérarchisation des êtres humains, comme prétexte à l’assassinat de masse, et sur des structures étatiques totalitaires, antithèse à la fois du système représentatif et de la liberté de penser et d’agir. Dans cette optique, et afin de continuer à transmettre la compréhension d’un phénomène historique aussi traumatisant, le CAL a opté pour envisager cette thématique à partir de deux questions: comment évoquer, en classe, la tentative de destruction des Juifs d’Europe? Et sur quelles bases analyser les conditions qui ont rendu possible cette tragédie dans une Belgique démocratique?

La Shoah ne se limite pas aux camps d’extermination en Pologne ou ailleurs; elle a commencé ici, dans nos rues, dans nos villes et villages.

En effet, si l’histoire de la Seconde Guerre mondiale est connue, celle de la déportation des Juifs au départ de la Belgique l’est moins. Outre le travail de pionnier de Maxime Steinberg, il aura fallu attendre la fin des années 2000 pour que le rapport «La Belgique docile», remis au Sénat par le Cegesoma (1), participe à cette prise de conscience: la Shoah ne se limite pas aux camps d’extermination en Pologne ou ailleurs; elle a commencé ici, dans nos rues, dans nos villes et villages.

En 2012, un film produit par le CAL a introduit la cérémonie officielle de reconnaissance de la responsabilité des autorités communales bruxelloises dans la déportation des Juifs vivant en Belgique. Ce documentaire intitulé Bruxelles, 3 septembre 1942. La déportation des Juifs de Belgique et élaboré uniquement à partir de documents d’archives, sert de support à un dossier pédagogique qui vient de sortir de presse (2).

Cet outil s’avère aujourd’hui plus que jamais indispensable, et s’inscrit dans la droite ligne des résolutions votées à l’unanimité en janvier 2013 tant au Sénat qu’aux parlements de la Communauté française et de la Région Bruxelles-Capitale: «L’enseignement de la Shoah est un important antidote aux fanatismes et aux extrémismes. Nous réaffirmons notre conviction que cet enseignement est nécessaire afin de permettre aux citoyens, et en particulier aux jeunes, de connaître cette sombre page de notre histoire et de perpétuer ainsi le travail et le devoir de mémoire.»

D’une manière générale, cet outil pédagogique vise à favoriser la compréhension des mécanismes et des facteurs historiques à l’origine de la déportation de plus de 25 000 Juifs vivant en Belgique. La thématique n’est donc pas l’extermination des Juifs dans les camps, mais bien les conditions administratives, politiques et sociales qui ont permis leur exclusion de la société belge d’abord, du territoire national ensuite.

Les fiches pédagogiques abordent différents aspects dans le but, entre autres, de pouvoir analyser l’impact des décisions prises sur le plan politique, national et international sur l’évolution des mentalités ainsi que sur les actions collectives ou individuelles qui en découlent, soit pour faire échec à la politique mise en place par les nazis (résistance), soit au contraire pour la soutenir (collaboration).

Destiné aux enseignants comme aux acteurs culturels, ce dossier a pour ambition de nourrir des séances d’information, de recherches et de réflexion, en groupes ou de manière individuelle, en facilitant un accès rapide aux ressources et documentations les plus rigoureuses, en ce compris les plus récentes.

Enfin, une autre innovation du projet réside dans sa mise à disposition en ligne sur un site web, qui comprend tout à la fois le film, les fiches du dossier pédagogique ainsi que les ressources documentaires.

 


(1) Centre d’études et de documentation Guerre et Sociétés contemporaines.

(2) Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de la COCOF ainsi que de l’ASBL Territoires de la Mémoire.