Espace de libertés – Octobre 2016

Souvent, la réalité est toujours plus complexe et plus mouvante que les mots qui servent à la décrire. Mais le vocabulaire évolue, lui aussi. C’est le cas des appellations des différentes façons d’être un être humain…

En français ou en néerlandais, on les appelle « homos ». Dans le monde anglophone, on dit gay. Ce sont les appellations les plus connues pour désigner celles et ceux qui sont attiré.e.s par les personnes de même sexe. La célèbre marche avec les drapeaux arc-en-ciel est appelée la Gay Pride, non? Eh bien, plus maintenant. Pas en Belgique, en tout cas. Parce que les mots « homo » et gay – masculins – ne rendent pas bien compte de la diversité de cette communauté minoritaire. C’est pour cette raison qu’on parle aujourd’hui de la Pride.

Voilà, premier malentendu sémantique résolu. Nous allons maintenant vous emmener plus loin dans la terminologie pour débusquer les concepts qui s’y cachent. Une terminologie qui est, admettons-le, un peu complexe. Non seulement parce qu’elle change en permanence mais aussi parce que ses perceptions et ses interprétations diffèrent à travers le monde. Heureusement, les concepts de base sont assez simples et reconnaissables. Donc, attachez vos ceintures, on y va!

Des personnes et des lettres

Si « homo » et gay sont les plus connus, vous avez sans doute aussi entendu parler de l’appellation « LGBT ». Voilà un acronyme déjà un peu plus inclusif et couramment utilisé dans l’activisme international. Mais d’autres lettres sont souvent ajoutées. Le « I », tout d’abord, ainsi que le « Q ». Plus rarement, on peut voir aussi un « T » supplémentaire ou même un « K ». Plus fréquemment un « A » ou un « P ». Un « + », pour ouvrir l’acronyme à d’autres options. À la fin, on peut arriver à quelque chose comme ça: LGBTQIAKP+…

De quoi parle-t-on? En premier lieu d’êtres humains et en second lieu de l’attraction qui peut exister entre eux et elles.

Nous le sentons, vous êtes perdu.e. Donc, retournons vers l’essentiel, les concepts de base qui se trouvent derrière tout cet amalgame. De quoi parle-t-on? En premier lieu d’êtres humains et en second lieu de l’attraction qui peut exister entre eux et elles. C’est ça et c’est tout. Et si on parle d’attraction sexuelle, on parle sexe. Dans le bon ordre, de préférence. N’est-il pas remarquable que, généralement, lorsque nous voyons le fameux acronyme ou le drapeau arc-en-ciel, nous pensons avant tout à l’orientation sexuelle? Pourquoi pas d’abord aux genres? Parce que, soyons clairs: nous avions également un sexe et une compréhension des concepts de « filles » et « garçons » avant d’avoir commencé à découvrir la sexualité.

À peine né.e, déjà casé.e

Respectons donc la chronologie et commençons avec la naissance. Prenons un nouveau-né dans les bras de sa mère. Il n’a aucune notion du monde autour de lui – ou elle – même pas encore conscient qu’elle/il existe et où elle/il est arrivé.e. Ni même de son genre. En fait, la première question que tout le monde pose après la naissance est: « Garçon ou fille? » Interrogation incontournable qui signifie que, dès qu’elle/il prend sa place entre nous, nous voulons impérativement mettre ce nouvel être humain dans l’une de ces deux cases.

Mais il arrive parfois que la réponse à cette question ne soit pas claire. C’est alors qu’apparaît le « I » dans notre acronyme LGBTQI. Il est l’initiale du mot « intersexe », ou de « personnes intersexuées », c’est-à-dire dont le sexe n’est pas clairement identifiable comme mâle ou femelle. D’une manière simplifiée, on peut dire que le sexe est déterminé par les organes génitaux, les gènes et les hormones. Ces éléments peuvent se présenter dans diverses combinaisons, résultant en différentes formes d’intersexuation. Les plus connus sont les hermaphrodites – c’est-à-dire des personnes qui présentent simultanément des caractéristiques physiques des sexes – mais il y en a des dizaines d’autres. On estime que le nombre de naissances présentant des caractères d’intersexuation se situe entre 1 et 2%.

Ne pas confondre sexe, genre…

Avançons dans la vie et dans l’acronyme et reprenons notre bébé. Au début, donc, le nouveau-né n’a pas beaucoup de conscience. Mais cela change vite. Et avec cette conscience, vient également une notion de genre. À quel âge? Deux, ou trois ans? « Moi je suis une fille, toi un garçon », est une réalité qui commence à jouer un rôle à l’école maternelle. C’est-à-dire bien avant qu’on ne parle de sexualité.

À ce stade-ci, il est primordial de distinguer sexe et genre. Une distinction qui est pourtant difficile à faire pour beaucoup d’entre nous. Ci-dessus, où on parlait de « sexe », on parlait du corps, rien d’autre. Le mot « genre », ou plutôt au pluriel « genres », se réfère, par contre, au vécu intérieur d’être homme ou femme. C’est ce qu’on appelle « l’identité de genre ». En même temps, le mot « genres » décrit l’existence de rôles et de stéréotypes culturels que nous lions, en tant que société, à ces deux genres. Tout le monde connaît les comportements supposément typiquement masculins ou féminins: comment agir, s’habiller… Ces rôles sont des constructions sociales et considérées comme exclusives par la plupart des gens: homme ou femme, rien d’autre n’existe. Et, de préférence, chacun est prié de se comporter selon les attentes qui y sont liées.

Ici, on arrive au « T » qui signifie « transgenre ». Ce mot perd lentement du terrain au profit d’une terminologie plus souhaitable qui est « genres fluides ». Mais gardons « transgenre » pour le moment. Pour les personnes transgenres, l’identité de genre n’est pas aussi claire ou binaire que ça. En effet, les genres ne sont pas nécessairement congruents aux sexes. Une personne transgenre est donc une personne dont l’identité de genre, l’expression de genre ou l’attitude est différente de celle associée habituellement avec le sexe assigné à sa naissance. Ceci peut se manifester dans une volonté d’assumer le rôle de l’autre genre, mais aussi dans une remise en question de ces rôles et dans un refus de s’y conformer. Une personne qui a entrepris de changer de rôle social (pour, par exemple, vivre « en femme ») pourrait également choisir de modifier son apparence physique (par exemple par des épilations, une prise d’hormones ou une chirurgie génitale). Cependant, le grand malentendu réside dans le fait que toutes les personnes transgenres ne choisissent pas nécessairement une telle transition. Et, en tout cas, oubliez le mot « transsexualité », ce terme n’est plus jamais utilisé.

… et orientation sexuelle

Avançons encore un peu dans la vie, et arrivons à l’adolescence. C’est la période au cours de laquelle nous découvrons la sexualité. Et c’est là où les lettres « LGB » commencent à jouer un rôle. Parce que, tout simplement, certain.e.s d’entre nous découvrent à ce moment-là qu’elles sont attirées par des femmes (« L » de lesbienne), ou – ils – par des hommes (« G » de gay), ou par les deux (« B » de bisexuel.le). C’est simple, non? Sauf que… si nous voulons dépasser le caractère binaire des genres, pourquoi rester avec une terminologie binaire pour l’attraction sexuelle? C’est pour cette raison qu’il est nécessaire d’ajouter un « P » au vocabulaire; « P » pour « pansexualité ». Une lettre qui est, d’ailleurs, également utilisée pour polyamoury, ce qui signifie avoir plusieurs relations en même temps.

Enfin, toujours dans l’acronyme courant, LGBTQI, il reste le « Q ». Parfois c’est le « Q » de questioning, pour les gens qui sont en processus d’exploration ou d’expérimentation en ce qui concerne leur identité de genre ou leur orientation sexuelle. Mais, plus régulièrement, le « Q » signifie queer. La signification d’origine de ce mot anglais est étrange. Les personnes qui s’identifient en tant que queer rejettent souvent les identités de genres ou les orientations sexuelles « traditionnelles » (parmi lesquelles également l’identité gay) et cherchent une alternative plus large, plus ambiguë et moins conformiste que le label LGBT.

Que nous reste-t-il encore dans notre acronyme? La lettre « K », qui signifie kink (« courbé », par opposition à straight, « droit », qui signifie hétérosexuel dans ce contexte, NDLR) mais qui est rarement utilisée. Plus fréquemment on trouve encore le « A » qui signifie « asexuel.le ». Ce terme décrit une absence d’attraction sexuelle. C’est souvent considéré comme une orientation sexuelle en soi, et pour cette raison a été ajoutée à l’acronyme entre-temps bien connu.

On y est! Mais, avons-nous traité toutes les lettres et toutes les dénominations possibles? Certainement pas, il y en a encore plein d’autres! Pour cette raison, terminons avec le symbole à la fin de l’acronyme: le « + ». Un petit ajout efficace qui représente, tout simplement, une ouverture à une réalité bien claire: la diversité des identités de genre et des orientations sexuelles est infinie.