Espace de libertés – Octobre 2016

Diversité des orientations sexuelles: parlons-en à l’école


Dossier
« Monsieur, vous êtes devenu homo à quel âge? », « Madame, ça fait quoi d’embrasser une fille? », « Ils ont dit quoi vos parents? », « Être homo, ça se soigne? ». Ces questions, les bénévoles homo- et bisexuels du GrIS Wallonie (1) y sont habitués. Depuis 2012, à l’invitation des professeurs ou directeurs d’écoles, ces volontaires arpentent les classes secondaires wallonnes pour partager leur vécu et déconstruire les clichés encore tenaces autour de ce qui n’est pas hétéronormé.

Même si elles sont globalement bien acceptées en Belgique, l’homosexualité et la bisexualité suscitent encore de nombreuses questions, y compris auprès des adolescents et des jeunes adultes. Questions qui peuvent témoigner d’une curiosité bienveillante mais aussi d’une certaine méfiance, voire d’un rejet total. Rencontre avec un bénévole.

Ouvrir un dialogue

L’animation en classe prend la forme d’un témoignage de deux personnes – un garçon et une fille, tous deux homo- ou bisexuels – guidés par les questions des élèves. Stanislas Ide, 30 ans, revient sur ses deux années de bénévolat: « Une classe n’est pas l’autre et les bénévoles doivent adapter leur approche à chaque fois. Parfois, les élèves ne parlent pas beaucoup et semblent mal à l’aise. Parce qu’ils n’ont pas assez préparé l’animation en amont avec le professeur ou parce qu’ils ne sont pas à l’aise avec le sujet. Souvent, ils sont simplement timides parce qu’ils ont peur d’aborder des sujets personnels ou intimes avec nous ».

Comme le raconte Stanislas, les sessions dans les classes peuvent quelques fois être très difficiles. Il arrive ainsi que certains élèves demandent à quitter la salle, que d’autres se moquent ou insultent frontalement. Les bénévoles sont formés pour garder une approche positive, ouverte et pédagogique en toute circonstance. Il faut alors tenter de déconstruire les idées reçues en proposant à l’élève de se questionner. À l’inverse, certains ados partagent ouvertement leur soutien et demandent poliment: « Monsieur, pourquoi l’homophobie, ça existe encore? »

« On voit de tout, que lécole soit issue de lenseignement officiel ou libre. Un bénévole nest pas lautre non plus, nous rappelant que nous ne sommes pas là pour parler au nom dune communauté mais uniquement en notre nom propre. Un premier dira quil a toujours su quil était gay alors que la seconde expliquera quelle en a pris conscience en embrassant une fille pour la première fois. Il ny a pas de règle, seulement des histoires personnelles à dévoiler pour mieux comprendre que lhomophobie, à l’école, dans la famille, au travail ou dans la rue, fait mal », témoigne Stanislas.

Confronter les mythes à la réalité

En invitant ces bénévoles dans les classes, l’école joue ici pleinement son rôle émancipateur: ouvrir à la diversité, encourager la réflexion et tenter de déconstruire les clichés. Pour de nombreux élèves, ces animations sont l’opportunité d’évoquer un sujet qui est souvent absent des discussions à la maison.

En invitant ces bénévoles dans les classes, l’école joue ici pleinement son rôle émancipateur.

Stanislas raconte une anecdote: « Lors d’une animation, un élève a interpellé ma cobénévole et lui a expliqué qu’il pensait qu’elle était bisexuelle parce qu’elle avait à la fois “l’air d’une fille” mais aussi “les cheveux courts comme un garçon”. Il y a énormément de préjugés autour de l’homosexualité, il faut tenter de les déconstruire un à un. » Il poursuit: « Nous encourageons vraiment les élèves à poser toutes les questions qu’ils souhaitent, sans tabou. En tant que bénévoles, nous avons reçu une formation pour répondre au mieux aux questions délicates. »

Et ça marche. Rares sont les animations où les élèves n’osent pas et où les bénévoles esquivent. Le dialogue prend et la curiosité s’éveille. Les questions tournent souvent autour des sujets d’intérêt principaux des adolescents: rapports avec la famille et les amis, sexualité, religion, désir ou non d’enfants. Les bénévoles reviennent également sur les discriminations et les violences dont ils sont parfois victimes et interpellent les jeunes sur leur perception de la normalité: est-ce « normal »de se faire insulter dans la rue? Est-ce « normal »de se faire rejeter par sa famille? Est-ce « normal »de ne pas pouvoir avoir d’enfant avec la personne que l’on aime?

Ces témoignages sont importants car ils permettent également de parler indirectement aux jeunes qui sont en question sur leur propre orientation sexuelle. Stanislas l’évoque d’ailleurs comme raison principale de son engagement dans le projet: « Si je suis devenu bénévole, c’est parce que j’aurais beaucoup aimé que quelqu’un vienne démystifier l’homosexualité dans ma classe quand j’avais 17 ans, au moment où je n’acceptais justement pas de me sentir “différent”. » Plusieurs élèves ont d’ailleurs profité de ce moment d’échange pour discuter de leur questionnement personnel, pendant ou après l’animation.

En racontant leur propre histoire, les bénévoles du GrIS tentent doucement de faire évoluer les certitudes de ces jeunes en construction. Ils souhaitent également dédramatiser l’homo- et la bisexualité en montrant la similarité des questionnements malgré les différences d’orientation. Car nul besoin d’être homosexuel pour saisir la difficulté de raconter un secret à ses parents, de déclarer sa flamme à quelqu’un ou d’être ciblé à cause d’une « différence ».

Comme le confirme Stanislas: « Que la classe soit opposée ou enthousiaste, silencieuse ou bruyante, option latin ou math fortes, on n’évite jamais la question préférée de tous: “Euuuh, m’sieur, je sais pas si je peux mais vous avez dit qu’on pouvait poser toutes les questions mais j’veux dire… ça se passe comment en fait le sexe? Enfin, entre deux hommes quoi? J’veux dire, qui fait quoi? Et quand?” ». Comme quoi, hétéro ou homo, un ado reste un ado. Comme quoi, on est pas bien « différents ».

 


(1) Le GrIS (groupe d’intervention scolaire) est une initiative développée depuis une vingtaine d’années au Québec. Importée en 2012 par Arc-en-ciel Wallonie en province de Liège, elle s’étend progressivement en Belgique francophone. Les demandes d’animations ne cessent d’augmenter et le retour des professeurs et des élèves est plus que positif, rappelant combien cet outil est efficace. Infos: www.griswallonie.be