Espace de libertés – Octobre 2016

Medex: itinéraire d’un « art social » dédié à l’exil


Arts
Attention, le Musée éphémère de l’exil (Medex), né en 2014, ce n’est pas un musée ordinaire. Il ne s’agit pas d’un lieu mais plutôt d’un état. Celui de l’exil. Le musée déambule dans des lieux culturels ou encore des centres d’accueil pour primo-arrivants.

Ne demandez pas l’adresse du Musée éphémère de l’exil. Il n’en a pas. C’est un musée itinérant qui évolue au gré des êtres qui rencontrent cet espace transit. Au Medex, rien n’est figé. Tout se transforme, se traduit: le déplacement, l’adaptation, le partage, les rencontres. Organisé sous forme d’ateliers d’expression, il est le support artistique qui raconte des histoires de voyages à qui veut bien les écouter avec les yeux. L’étape de création terminée entre les artistes et les participants, le Medex expose sous forme artistique variée le travail de réflexion, d’écriture et d’expression. Voilà ce qu’est l’»art social». Un art qui donne la parole non plus seulement aux artistes mais aussi à leur public.

L’art comme identité sociale

C’est au musée des Lettres et Manuscrits qu’est né le Medex. La poésie de Victor Hugo en est l’essence. Victor Hugo, qui a dû fuir son pays à cause de ses idées politiques, a longtemps écrit des poèmes sur son exil. L’écriture peut en effet devenir un moyen thérapeutique pour celui qui souffre. Daniele Manno, cofondateur, explique: « Dans nos ateliers, nous utilisons l’art pour donner une identité sociale aux participants. Cela permet d’extirper la dureté de l’exil. » Pas besoin de venir de loin pour participer aux ateliers. L’un des principaux objectifs du musée est de découdre les étiquettes posées sur les termes « réfugié », « exilé », « immigré » et autre case médiatisée sous le sceau de la nationalité. « Lors de ces ateliers d’expression, les participants recréent un lien avec leur identité. L’art tel qu’il est pratiqué au Medex permet de poser une réflexion mûrie sur le parcours des personnes. Elles prennent du recul sur leur histoire et se retrouvent avec elles-mêmes. »

Des artistes citoyens engagés

Bon nombre des artistes bénévoles du Medex sont d’origines étrangères. Ils ont choisi la Belgique comme terre d’accueil pour exercer leur art car il est indéniable que la belle Bruxelles regorge de créativité artistique. Le célèbre auteur de Les Misérables, qui a insufflé la création du musée, a lui-même vécu un temps à Bruxelles. Ces artistes itinérants traversent les courants du musée le temps d’un projet, d’un art à partager. « Il y a autant d’idées et de projets qu’il y a de collaborateurs. C’est la réflexion et le partage d’idées qui priment chez nous. C’est pour cela qu’il n’y a pas de hiérarchie non plus dans notre structure interne. Tout est géré et décidé par les collaborateurs », raconte Daniele Manno. En participant collectivement à la déconstruction des stéréotypes sur les exilés et les réfugiés, ils créent un mouvement citoyen et rassembleur autour d’une valeur forte: la dignité humaine.

Un réseau d’initiatives citoyennes

Depuis deux ans, le Medex s’exporte à travers ses expositions et ses collaborations. Tantôt au BIP (Bruxelles Info Place), tantôt au centre d’accueil Le Petit Château ou encore à Paris. Ses hôtes sont aussi hétérogènes que le sont ses ateliers, ses expositions et ses collaborateurs.

Cet été le musée nomade a posé ses valises à The Lodge, grand espace culturel à Molenbeek. En plus de leurs ateliers, le Medex a permis d’accueillir deux autres collectifs citoyens à travers des expositions photographiques, celui de Jungleye (collectif né de la « Jungle » de Calais) et Art Without Borders, un jeune collectif citoyen à la dimension internationale œuvrant aussi pour la cause des réfugiés et des immigrés. De simples exemples de ce qui se passe au cœur de Bruxelles quand ses citoyens se mobilisent autour de l’art et de valeurs communes. Le Medex va pouvoir se poser un moment, tout en gardant sa nature nomade puisqu’un siège central du musée ouvre ses portes le 15 octobre à Jette où des expositions et free lunch des quatre coins du monde auront lieu toute l’année.