Espace de libertés – Juin 2017

3000 km sur les traces des réfugiés


Libres ensemble
En avril dernier, une quinzaine de coureurs du collectif « Humans Welcome » ont parcouru la route des Balkans en solidarité avec les migrants. 3000 km au pas de course, de Lesbos jusqu’au Parlement européen de Bruxelles. Le but: dénoncer le manque d’engagement ferme de la politique européenne dans la prise en charge des réfugiés. Valter Iurlaro, l’initiateur du projet, nous relate ce fameux périple, avec ses espoirs et son positionnement face à cette problématique.

Ce projet est né de l’effroi qu’a suscité en moi la décision de Viktor Orbán, le Président hongrois, d’ériger des barbelés aux frontières de son pays, sans que cela n’entraîne une condamnation ferme de la part de l’Union européenne. De cette colère et tristesse est née le collectif citoyen « Humans Welcome », avec un projet: parcourir 3000 km en courant sur la route des Balkans, de Lesbos à Bruxelles. Cette course, certes symbolique, s’est terminée le 16 avril devant le Parlement européen, où nous avons transmis des messages recueillis parmi les migrants, mais aussi de la part du peuple grec, autre oublié de l’Europe. Nous avons vécu une belle aventure, chargée d’images, d’émotions, de rencontres, de prise de conscience, d’efforts intenses, de joies et de tristesses, de rage au cœur aussi… Et surtout une immense envie de partager cette expérience! L’objectif de ce projet était avant tout de provoquer un sursaut des consciences, tant des citoyens que de nos dirigeants politiques belges et européens, pour exiger une politique migratoire plus humaine basée sur l’ouverture et la solidarité, plutôt que sur la peur et le repli identitaire.

Une aventure humaine, un message politique

Le collectif composé d’une vingtaine de coureurs assisté d’une équipe logistique (chauffeurs, cinéastes, journalistes) a traversé sans problème cette fameuse route des Balkans qui est aujourd’hui totalement verrouillée pour les migrants, au travers de 8 pays: Grèce, Macédoine, Serbie, Slovaquie, Hongrie, Autriche, Allemagne et puis la Belgique. Cette aventure nous a aussi permis de rencontrer des migrants, des ONG et des citoyens engagés pour assurer un accueil le plus humain possible, dans les camps de réfugiés. Nous voulions d’ailleurs aussi marquer notre solidarité avec les citoyens grecs qui sont victimes de l’austérité totalement injuste imposée par l’Europe. Car au-delà de l’aventure humaine, nous portons aussi un message politique: une autre politique migratoire est possible. Non pas celle de l’Europe forteresse, de la peur et du repli identitaire, mais une politique d’ouverture basée sur les droits humains, qui respecte les conventions internationales de Genève et la Déclaration universelle des droits de l’homme, car nous sommes tous des migrants!

Et après?

Fort de cette expérience incroyable, le collectif ne veut pas en rester là. Regonflé à bloc par une  importante couverture médiatique, avant et pendant le projet, de même que sur les réseaux sociaux, nous souhaitons poursuivre notre projet de différentes manières: au travers d’actions de solidarité avec les sans-papiers en Belgique, en participant à différentes mobilisations pour une autre politique migratoire, en effectuant des courses symboliques autour des centres fermés ou en poursuivant notre démarche pédagogique autour du projet « des cartes blanches pour créer des ponts entre ici et là-bas ». Une équipe de cinéastes nous ayant accompagnés pendant le parcours, un film sur notre périple sera aussi projeté prochainement dans les écoles et dans les salles.

Quelles solutions pour sortir de l’impasse?

Suite à cette aventure, nous avons aussi dégagé des pistes de réflexions et élaboré un plaidoyer pour replacer l’humain au centre des débats européens, avec en premier lieu la nécessité d’assurer des voies sûres et légales aux migrants pour arrêter le drame de ces milliers de morts noyés en méditerranée et mettre fin aux violences durant le parcours migratoire. Nous proposons aussi d’inverser la logique de « l’Europe forteresse », en ouvrant les frontières et en amenant un regard positif sur les migrations, qui à terme, représentent un processus constructif et enrichissant. Mais pour cela, il est nécessaire d’investir dans une politique d’accueil plus humaine, solidaire et équitable – qui au bout du compte sera gagnante pour tous – plutôt que dans des agences comme Frontex qui dépensent des millions d’euros pour surveiller les frontières et qui n’arrêteront de toute façon pas les migrations. Enfin, nous devons exiger le respect des quotas de relocalisation et de réinstallation tels que prévu par l’Union européenne.