Un rituel, une cérémonie, un spectacle pour un moment important: le passage de l’enfance à l’adolescence! Tout paraît simple et pourtant c’est complexe. Quel regard ai-je posé sur les chemins empruntés pour la construction de cette Fête? Réflexions personnelles sur une expérience enrichissante.
Depuis plus de 15 ans, je suis sur le terrain. Et les routes n’ont pas toujours été faciles à parcourir. Dès le début, une réflexion m’anime face aux Fêtes de la Jeunesse Laïque (FJL): Comment laisser dans le cœur des enfants, des messages, les valeurs que nous voulons partager, s’ils ne sont pas acteurs de leur propre fête? Comment faire vivre ces valeurs et pas seulement les recevoir comme un cadeau? Créer c’est mettre en œuvre sa connaissance, solliciter son imaginaire, transcender ses peurs, donner une place à la sensibilité, c’est se dépasser. Et pour cimenter le tout, quoi de plus évident que d’insuffler de la beauté?
Au-delà des mots, les enfants sont immergés dans un travail qui, de facto, les oblige à mobiliser le meilleur d’eux-mêmes pour participer à l’œuvre collective.
Recourir au théâtre: une évidence
Au fil des années, le travail théâtral a pris une importance grandissante, au point d’entraîner une adaptation du rituel pour que l’un et l’autre s’intègrent esthétiquement, de la manière la plus harmonieuse possible, mais sans en altérer le sens. Dans le cheminement et la réflexion, une étape importante a été franchie il y a 10 ans. J’avais pris l’option d’organiser un stage de préparation pendant les vacances de Pâques pour préparer la FJL 2007. Les enfants ont très bien réagi et le stage s’est déroulé dans de très bonnes conditions. Lors de la cérémonie, tout le monde a pu remarquer qu’une grande complicité unissait les enfants. Cette dimension n’apparaissait pas avec la même force les années précédentes. Un groupe harmonieux s’était créé. Le constat était clair: le stage pouvait constituer un moment intense permettant l’émergence d’un groupe solidaire. Jean-Claude Bottelbergs, président du CAL de Herve, avec lequel je collabore, montrait un réel intérêt pour cette nouvelle approche. Nos chemins se sont rejoints et nous avons uni nos moyens, tant humains que financiers, pour proposer aux enfants une organisation conjointe, tout en gardant chacun une fête sur sa commune.
Un travail rigoureux et solidaire
Notre proposition, nous la présentons aux enfants comme un tout, avec des engagements à respecter : une journée d’atelier à Herve, un stage à Soumagne, et les répétitions générales dans les lieux respectifs. Cela, avec une exigence esthétique, un encadrement de professionnels: comédiens, musiciens, régisseurs. Nous invitons également les enfants d’une entité à participer à la fête dans une autre commune. D’une année à l’autre le nombre d’enfants peu fortement varier. Mais quel que soit le groupe, il y a une constante: même si le travail demandé est rigoureux et exigeant, aucun enfant ne s’absente pendant le stage sans une raison majeure. Les mines stressées du premier jour s’éclaircissent dès les premières heures et la convivialité s’installe. Les enfants s’engagent avec une envie toujours plus marquée au fur et à mesure de nos rencontres. Bien souvent, les aléas nous ont fait éprouver leur solidarité et celle-ci a toujours été au rendez-vous! Bien au-delà des mots, les enfants sont immergés dans un travail qui, de facto, les oblige à mobiliser le meilleur d’eux-mêmes pour participer à l’œuvre collective. Le bonheur se lit dans le regard lumineux des enfants ou quand l’un d’entre eux vous dit: “On va organiser quelque chose pour se dire au revoir?” Pour toutes ces raisons, oui, on peut penser que l’on ne s’est pas trop trompé et que les semences sont en train de germer de la plus belle des manières.
Et les profs de morale dans tout cela?
Dans beaucoup de CAL, les profs de morale constituent la cheville ouvrière des FJL. D’emblée, nous n’avons pas pris ce parti. Mais nous avons construit avec les maîtres de morale une relation de partenariat dans un cadre informatif, et ils demeurent nos relais privilégiés pour contacter et informer les enfants. Dès lors, que ferons-nous demain? La question se pose avec une forte acuité devant la “révolution” que vit actuellement le mouvement laïque. Pour ma part, si je regarde sous l’angle du travail à réaliser tant sur la forme que sur le fond, rien ne va fondamentalement changer. La nouvelle appellation (cf. Fête Laïque de la Jeunesse au lieu de Fête de la Jeunesse Laïque) n’impacte pas à ce niveau-là. Passer d’une cérémonie philosophique à une cérémonie “civile” n’est pas en soi une difficulté sur le plan idéologique. Mais il n’en est pas de même sur le plan pragmatique. Dès l’instant où l’on change d’identité, notre préoccupation reste de pouvoir informer les enfants, sans prosélytisme déplacé. Dans de petites communes comme Herve et Soumagne, nous avons tissé des liens étroits avec les professeurs de morale. Mais la situation est parfois compliquée. Les comités qui organisent les FLJ ne font pas face à la même réalité que les décideurs. Attention: il ne s’agit pas de remettre en cause le changement, mais bien d’en mesurer les effets sur le terrain du point de vue des associations.
Une période incertaine
Dans leur grande majorité, les pouvoirs organisateurs (PO) de l’enseignement primaire relèvent des communes et les sensibilités laïques n’y sont pas toutes identiques. Malgré que nous ayons reçu l’autorisation des PO d’informer tous les enfants, l’accueil des parents et des enseignants n’a pas toujours été des plus chaleureux, même parfois hostile. Une probable influence de ces parents sur des décisions prises au niveau politique local n’est pas inimaginable. La tentative de toucher les parents par les réseaux sociaux ou de centraliser les demandes dans une sorte de “call center” a été vouée à l’échec. Les parents ayant clairement besoin de proximité. Les associations se retrouvent ainsi coincées dans des enjeux politiques qui impactent leur quotidien. Par contre, ce que nous avons pu constater cette année, c’est la chute du nombre des participants. Quant à son interprétation, je resterais prudente. De même quant à l’adhésion des associations à ce nouveau paradigme. Cette période transitoire est un terrain marécageux dans lequel nous essayons de naviguer. Demain est certes incertain, mais cette incertitude nous contraint à la créativité…