N’en déplaise à certains polémistes français juste bons à allumer des buzz façon pétards bien trempés, en 2016, ce ne sont pas des bombes qui vont tomber sur la région du 1080 Bruxelles! Mais bien de pleines flopées de culture, d’enthousiasme et de nouveaux projets. Rencontre avec Dirk Deblieck, coordinateur de la Maison des cultures et de la cohésion sociale de Molenbeek.
Espace de Libertés: Il suffit de regarder de près la dénomination de votre institution pour comprendre que culture et vie sociale sont totalement interconnectées, en fait…
Dirk Deblieck: Exactement! Je concède que notre nom est un peu long, voire rébarbatif. Mais nous y tenons fermement. Tant au pluriel de «cultures», car nous embrassons bel un bien une multitude d’entre-elles, qu’à l’ordre des mots, rappellent que ces fameuses «cultures» sont des outils au service d’une meilleure cohésion sociale, bien plus globale. Dans notre travail au quotidien, nous découvrons chaque fois à quel point la rencontre des pratiques culturelles, de même que l’éveil culturel pour les plus petits, permettent de tisser, ou de resserrer, des liens entre les gens.
Votre mission n’est-elle pas devenue d’autant plus essentielle depuis que la commune est violemment revenue au-devant de l’actualité suite aux attentats de Paris?
Elle a toujours été importante. Mais aujourd’hui, évidemment, elle l’est encore un peu plus. Ne fut-ce qu’aux yeux des autres. Souvent, je déplore que les très nombreux médias qui ont récemment envahi Molenbeek pour les raisons que l’on sait n’ont pas vu, par la même occasion, ce que nous faisions en matière culturelle. Pour autant, il ne faut pas se montrer angélique non plus. L’aspect répressif des choses s’avère aussi nécessaire de temps en temps, notamment quand certains jeunes de la commune sortent des rails. Mais la solution à long terme passe par la culture.
Sur la base de propositions dans les deux sens?
Effectivement. Nous proposons un agenda d’activités, mais les gens peuvent aussi venir avec des suggestions. Pour le moment, la proportion penche encore très fort du côté des propositions de notre part. Mais certains précédents dans l’autre sens sont très encourageants. Par exemple, la mode du stand-up a motivé plusieurs jeunes de la commune à venir nous voir avec un projet, pour que nous les aidions à le lancer.
Concrètement, comment ça fonctionne?
En fonction de l’espace et des animateurs disponibles, nous acceptons, ou refusons, une initiative. Ensuite, c’est aux porteurs du projet en question de se montrer réguliers et assidus. L’an dernier, plusieurs jeunes ont écrit et répété des sketches chez nous durant six mois. Nous les avons ensuite aidés à parfaire leurs prestations, sous la conduite d’un professionnel que nous avons nous-mêmes rémunéré. Six mois plus tard, leur spectacle était excellent et totalement abouti! Avec des conséquences positives en cascade…
Lesquelles?
Tout d’abord pour l’estime que ces jeunes ont d’eux-mêmes. Là, ils se sentaient enfin valorisés, car capables d’accomplir quelque chose. Ensuite pour leur aura au sein de leur famille, dont les membres sont venus voir le spectacle. Et puis, enfin, la réussite des projets crée une spirale positive. D’autres jeunes voulant, à leur tour, s’y mettre, dans une sorte de mécanisme d’émulation. Depuis, l’un des membres de cette troupe a intégré un groupe de professionnels, et un autre a trouvé du boulot car le théâtre lui a donné confiance en lui pour parler en public. C’est dans ces cas-là que notre mission est pleinement réussie! Mais ces réussites ne me montent pas à la tête pour autant. Je sais bien que nous ne sommes qu’une petite goutte d’eau, mais qui peut aboutir à de minuscules rivières quand même. Nous allons donc continuer de plus belle! Pour le reste, je plaiderais pour une sorte de «Plan Marshall des communes le long du canal», qui soutiendrait massivement l’éducation dans toutes les entités. La formation et la culture demeurent les meilleurs moyens de lutter contre tous les stéréotypes, et contre le manque d’estime de soi qui débouche parfois sur le manque d’estime pour les autres.