Espace de libertés – Février 2016

« Wake up Europe! », une ICE à ne pas laisser refroidir


Libres ensemble
Un million de signatures à récolter avant la fin du mois de novembre 2016. Un million, dont la vôtre, bien entendu!

Nos lecteurs sont de grands gâtés: ils n’ignorent rien de ce qui se passe en Hongrie depuis l’arrivée au pouvoir de Viktor Orbán en 2010. Vous avez tout lu des mesures qui complaisent à l’aile la plus réactionnaire de l’Église catholique, d’une alliance avec un parti ouvertement fasciste et d’autres joyeusetés qui en sont les effets les plus visibles. Les mesures antidémocratiques, xénophobes et contraires aux principes fondateurs de l’État de droit s’y sont multipliées. Plus récemment, l’attitude du gouvernement hongrois à l’égard des candidats réfugiés a confiné au sordide, répression policière violente et élévation à la hâte d’un mur de barbelés d’un modèle particulièrement meurtrier aux frontières sud du pays à la clé. Le traitement actuel inacceptable des migrants par les autorités hongroises laisse craindre que des actions de ce type s’étendent à d’autres États membres dont la culture démocratique est récente et fragile.

Protéger les acquis de la démocratie

Depuis 2011, de nombreuses tentatives de dialogue ont été mises en place entre les institutions européennes et le gouvernement de Viktor Orbán, jusqu’à présent sans succès. En rejoignant l’UE, la Hongrie s’est engagée à respecter l’État de droit et la démocratie, ainsi que les valeurs d’égalité, de liberté, de justice et les droits fondamentaux. De nombreux Hongrois s’opposent aujourd’hui aux dérives populistes et autoritaires du gouvernement Orbán et en appellent à l’Europe pour restaurer la démocratie dans leur pays. Il s’agit ni plus ni moins que de protéger les valeurs de la démocratie en Europe en empêchant qu’elles soient foulées aux pieds par des États qui y ont librement adhéré en acceptant d’entrer dans l’Union européenne.

L’Europe n’est pas seulement un marché, mais également un projet démocratique.

Qui plus est, l’exemple de la Hongrie risque de faire boule-de-neige. Car sans une réaction décidée des institutions européennes, d’autres États membres seraient tentés de s’écarter de la démocratie libérale. Jusqu’à présent, les institutions européennes se sont contentées de mises en garde inefficaces. Nous leur demandons d’aller plus loin et de lancer la procédure prévue dans l’article 7 du traité sur l’Union européenne (TUE – ancien traité de Lisbonne) pour vérifier si les changements législatifs et la politique du gouvernement Orbán respectent les valeurs européennes. L’Europe n’est pas seulement un marché, mais également un projet démocratique.

Face aux violations persistantes des droits fondamentaux par le gouvernement hongrois, un comité de neuf citoyens issus de sept pays de l’UE lance aujourd’hui une initiative citoyenne européenne (ICE) pour demander à la Commission mettre en œuvre l’article 7 du traité à l’égard de ce pays. Cet article, rappelons-le, permet de «constater l’existence d’une violation grave et persistante, par un État membre, des valeurs [démocratiques] visées à l’article 2 dudit traité» et d’enclencher la mise en place de sanctions à l’égard de cet État, en ce compris la suspension de son droit de vote au Conseil.

Le rôle des humanistes dans le projet européen

Une ICE a donc vu le jour, coordonnée par la Fédération Humaniste Européenne (FHE); elle vise à contraindre les institutions européennes à répondre aux réelles inquiétudes suscitées par les dérives hongroises. Pierre Galand, président de la FHE, explique: «Il faut maintenant secouer les autorités européennes et rappeler à la Hongrie son obligation de respecter les règles et valeurs démocratiques. Notre projet d’initiative a reçu un accueil très enthousiaste au sein de la société civile. En tant qu’humanistes, nous pensons avoir un rôle à jouer pour défendre le projet démocratique européen.»

Jean-Michel Ducomte, président de la Ligue de l’enseignement (France) complète: «La Hongrie est aujourd’hui aux antipodes des fondements moraux et juridiques de l’Union européenne. Mais elle n’est plus la seule à avoir ce genre d’attitude obscène. Il faut à tout prix prévenir l’effondrement démocratique et politique de l’UE.»

L’initiative a été officiellement enregistrée par la Commission européenne. Pour être recevable, elle doit être portée par des citoyens provenant de sept des 28 pays de l’Union. Dans ce cas-ci, les initiateurs sont Michael Bauer (Allemagne), Andrew Copson (Royaume-Uni), Panayote Dimitras (Grèce), Andresj Dominiczak (Pologne), Jean-Michel Ducomte (France, Giulio Ercolessi (Italie) et Pierre Galand (Belgique). Ensuite, l’ICE «Wake up Europe!» doit recevoir, d’ici à fin novembre 2016, un million de signatures. Ce n’est pas une mince affaire et le calcul du nombre de signatures à récolter par jour donne le tournis. Toutefois, nous disposons de relais internationaux et, avec la participation de toutes les composantes du mouvement laïque, de leurs contacts, des contacts de leurs contacts et ainsi de suite, tout devient possible.

Comme n’a pas dit Coubertin (mais il aurait pu, s’il y avait pensé), la victoire est belle certes, mais la noblesse est dans le combat.