Parmi les causes de l’échec et du décrochage scolaire, on cite souvent les troubles psycho-affectifs, les difficultés économiques ou le manque d’insertion sociale des parents qui entraînent des discriminations. Un autre facteur est directement lié à l’école proprement dite et ses méthodes pédagogiques.
Pour beaucoup d’observateurs, l’école serait plus équitable si l’on en repensait les fondamentaux: les programmes, la méthodologie via d’autres formes d’enseignement en s’inspirant notamment des expériences des écoles alternatives. Si ces pédagogies dites «ouvertes» sont parfois victimes de clichés à la vie dure et s’il est compliqué, faute d’études officielles, de mesurer l’efficacité de leurs méthodes, elles séduisent de nombreux parents qui y voient une solution aux carences de notre système éducatif. Dans la plupart des cas, les formes d’éducation alternative tendent à recentrer l’éducation sur l’apprenant plutôt que sur les contenus, à rendre l’enfant acteur de son apprentissage, à favoriser l’autonomie, l’inventivité, la créativité et l’esprit artistique, la confiance en soi et l’esprit d’initiative. Ces méthodes renoncent à la compétition, aux points, aux classements pour s’adapter à la forme d’intelligence et aux rythmes de chaque élève.
Autonomie et perception selon Montessori
La pédagogie élaborée par Maria Montessori est une méthode dite «ouverte». Elle repose sur l’éducation kinesthésique, considérée comme une «aide à la vie». En classe, les enfants sont libres de choisir l’activité qu’ils souhaitent faire parmi celles qui leur sont proposées, à la seule condition d’avoir déjà «vu» cette activité avec un enseignant et peuvent y passer le temps qu’ils veulent. L’autodiscipline va de pair avec la notion de liberté et s’applique tout autant pour l’attitude que pour les corrections. Plutôt que d’attendre passivement les corrections d’un tiers, l’enfant est invité à repérer lui-même ses erreurs. D’autant que, selon la méthode Montessori, il ne s’agit pas tant d’avoir «juste» ou «faux» que de s’exercer à faire mieux, de se perfectionner dans l’activité. Pour s’approprier les concepts, on fait appel à ses cinq sens. Peu importe qu’il soit rapide ou lent tant qu’il est concentré, concerné et réceptif.
Expression et coopération selon Freinet
Une deuxième approche pédagogique originale est celle mise au point par Célestin Freinet, fondée sur l’expression libre – texte libre, dessin libre, correspondance interscolaire, imprimerie, journal étudiant, etc. – qui se perpétue encore de nos jours. C’est dans les camps de concentration de Vichy que Freinet trouva le temps de penser en profondeur son œuvre pédagogique. Célestin Freinet pensait avant tout en termes d’organisation du travail et de coopération. La pédagogie Freinet a toujours eu la volonté de bouleverser profondément l’école au bénéfice de tous les enfants et de tous les adolescents. Il désirait une école centrée sur l’enfant, sans compétition mais une émulation constante et une collaboration enrichissante. Pas de notes mais de véritables dialogues d’évaluations. Pour Freinet, les devoirs sont inutiles parce que le travail doit s’optimiser à l’école, tandis qu’à la maison, on joue et on se détend en famille. Abolition également des punitions au profit de conseils, du dialogue et du jugement de ses pairs dans une relation équitable et respectueuse de l’ensemble de groupe.
Liberté et confiance selon Steiner-Waldorf
Citons encore la pédagogie Steiner-Waldorf qui s’appuie sur les conceptions philosophiques de l’anthroposophie («science de l’esprit»), courant de pensée et de spiritualité dont Steiner est le fondateur. Depuis 75 ans, l’école Steiner-Waldorf est fondée sur l’idée de la liberté de l’homme, convaincue que l’amour, la confiance et l’enthousiasme, plutôt que l’ambition, la crainte et la compétition, dotent les enfants de la sérénité et des forces indispensables pour avancer dans un monde incertain, y réaliser leur projet d’existence en contribuant au progrès humain. Pour les partisans de cette théorie éducationnelle, accueillir l’enfant à l’école, c’est le reconnaître dans sa singularité, établir avec lui une relation de confiance et de responsabilité dans la continuité. La tâche de l’enseignant devient de favoriser l’épanouissement de chaque enfant dont il a la charge, de l’accompagner vers la découverte de sa voie originale.
Au-delà des nuances entre les trois méthodes évoquées ci-dessus, on ne peut qu’y constater des conceptions éducatives aux antipodes de l’école actuelle qui a plutôt tendance à renforcer le déterminisme social. Les expériences menées dans quelques établissements pilotes plaident en leur faveur. Reste à convaincre les éternels sceptiques et surtout, à vaincre l’extraordinaire force d’inertie qui s’oppose à tout changement.
Cet article est une version condensée d’un texte publié dans Échos de Picardie, automne-hiver 2015, pp. 19-21.