Espace de libertés – Février 2016

Le 13 novembre, les visages du nihilisme


Coup de pholie

Novembre 2015, mois de tous les séismes. Le carnage des attentats de Paris le vendredi 13 et l’hypocrisie du COP21 bien décidé à ne pas s’attaquer à la dévastation écologique non moins meurtrière mise en œuvre par des criminels en col blanc. Futur en panne des deux côtés. Deux nihilismes qui se font face et rivalisent dans l’exercice de la pulsion de mort. Le nihilisme cynique et sans limites du néolibéralisme déchaîné mène la Terre, les hommes au désastre. Né partiellement d’une riposte au premier, peut-être davantage socio-politique que religieux, le nihilisme du djihad, de l’islamisme radical est mû par la haine d’un certain Occident et culmine dans des meurtres de masse commis par des jeunes qui s’immolent en martyres. Punkitude pseudo-théologique d’une minorité de laissés-pour-compte d’ici, frères des démunis de là-bas, ce là-bas que l’Occident bombarde sans relâche…

On se raccroche à une exigence: ne pas laisser les attentats dans l’impensable. On hurle aux va-t-en-guerre qu’ils vont alimenter la spirale de la violence aveugle. Notre seule ligne: ne pas ajouter de la guerre à la guerre, de la mort à la mort, s’insurger contre les politiques sécuritaires, l’état d’exception. Sortir de l’engrenage ballets de drones, de bombardiers, langage des kalachnikovs, des explosifs. Dans un mælström de concepts électrisés d’affects, on pense que les actes terroristes sont du pain bénit pour les États qui y trouvent l’occasion de renforcer une société de surveillance généralisée, d’instaurer un Patriot Act, une parenthèse démocratique qui pourrait bien devenir définitive.

On pense comme un océan de colère. Les voix des pythies nous traversent. Haut-le-cœur de voir les attentats récupérés par un pouvoir qui se redonne un vernis symbolique depuis longtemps effrité. Inquiétude face à des gouvernants rameutant l’axe du Bien en lutte contre le Mal absolu, faisant fond sur un sursaut d’identité nationale, transnationale. Dans la nuit, on cherche la sortie, ravivant In girum imus nocte…, on affûte nos «non»: non à l’apocalypse de l’über-économie libérale, de l’ordre mondial, non au cauchemar fasciste du djihad. Vient le temps où il nous faut jeter au visage des tenants de l’art de la guerre, aux croque-morts de tous bords les salves d’un autre vivre.