S’il est une loi constante en matière d’environnement, c’est que toute altération du milieu nuit aux droits fondamentaux. Évident et pourtant si difficile à faire admettre.
Le lien entre environnement et droits n’a rien de neuf. La relation entre la qualité de l’environnement et la jouissance des droits humains fondamentaux ayant été reconnue pour la première fois par l’Assemblée générale de l’ONU à la fin des années 1960. En 1972, la Conférence des Nations unies sur l’environnement humain a également tracé un lien direct entre environnement et le «droit de vivre». Dix ans plus tard, la Charte mondiale sur la nature représentera le premier texte d’une réelle valeur morale, introduisant explicitement la notion de générations futures et à proclamer des «principes de conservation» au regard desquels tout acte de l’homme affectant la nature doit être guidé et jugé. Ce principe sera confirmé en 1992 par la déclaration de Rio qui reconnaît également le droit à une vie saine, en harmonie avec la nature. Depuis, le combat est permanent pour tenter de lui donner corps. Il est omniprésent et multiforme.
Choyer la biodiversité
Au cours des dernières décennies, les illustrations n’ont pas manqué pour démontrer combien le mal fait à l’un nuit gravement aux autres. La forêt amazonienne est exploitée à tort et à travers et ce sont des peuplades indigènes entières qui perdent leur cadre de vie et se trouvent privées de leur habitat. Des insecticides sont déversés en masse sur des cultures et ce sont des habitants proches qui voient leur santé menacée… Les exemples de ce type peuvent se multiplier à l’infini.
En mars 2017, le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme et l’environnement, John Knox, et sa collègue responsable du droit à l’alimentation, Hilal Elver, ont mis à leur tour la pression. Pour eux, la crise de la biodiversité est également une crise des droits de l’homme, et les États devraient reconnaître ce lien. Ils ciblaient notamment l’abus de pesticides, accusant ces substances de saper le droit à l’alimentation, en raison de la pollution qu’elles entraînent. De plus, 200 000 décès par an sont imputés à cette chimie dévastatrice. Comme tant d’autres avant eux, Knox et Elver ont regretté l’absence d’un traité mondial régissant l’utilisation des pesticides. Ils ont appelé la communauté internationale à mettre en place les conditions nécessaires à la formulation d’un tel accord.
Une mobilisation formelle
Une année s’est écoulée. En mars dernier, à Medellín (Colombie), plus de 600 scientifiques ont repris à leur tour le flambeau en faisant un état des lieux de la biodiversité à l’échelon planétaire. Ils ont conclu, à l’instar du rapporteur Knox, que l’on assiste aujourd’hui à la sixième extinction des espèces. La première engendrée par l’homme! La biodiversité passe par la qualité de l’eau et de l’air, la disponibilité de nourriture et d’énergie, la régulation du climat, le berceau des traditions culturelles, la beauté des paysages… Autant d’éléments constitutifs d’une vie saine et d’un bien-être quotidien. Autant de conditions nécessaires à une existence digne, garantie par les droits de l’homme:le droit à l’alimentation, à la santé, la vie privée, etc.
Face à ces atteintes à l’environnement et donc aux libertés fondamentales, la résistance s’organise, parfois à un niveau où on ne l’attend pas. Un exemple?En mars dernier toujours, le gouvernement bruxellois a décidé de traîner la Commission européenne en justice, à Luxembourg. Motif?L’exécutif européen aurait violé le principe de précaution en décidant de renouveler pour cinq ans l’autorisation de mise sur le marché du glyphosate. Cette molécule qui entre dans la composition de multiples herbicides (dont le Roundup) est suspectée d’être cancérogène. Or l’Europe est censée garantir à ses citoyens un niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé, a argumenté le gouvernement bruxellois en soulignant l’atteinte faite à ces droits.
Une responsabilité sur le long terme
S’il y a des avancées, les reculades sont multiples. Mais les choses évoluent. En marge de l’accord de Paris (COP21) sur le climat survenu en 2015, un projet de Déclaration des droits de l’humanité initié par François Hollande a cherché à son tour à lier les droits et devoirs de l’humanité avec les écosystèmes qui permettent sa vie (ou sa survie). Ceux-ci sont définis comme «le droit pour tous les habitants de la Terre à vivre dans un monde dont le futur n’est pas compromis par l’irresponsabilité du présent». Le texte, qui est destiné à l’Assemblée générale des Nations unies, associe aux dimensions internationales et multiculturelles une dimension temporelle longue.
Des ONG ont fait de ce créneau leur combat quotidien. Pour certaines d’entre elles, combattre les conséquences de la dégradation environnementale est un prérequis indispensable au développement harmonieux de l’enfant, lequel incarne le devenir des générations futures. Les instabilités environnementales n’affectent pas que les générations actuelles, mais mettent également en danger ceux qui nous succéderont. L’environnement doit être adapté sur le long terme à l’espèce humaine. Il est en outre le moyen indispensable à la réalisation d’objectifs sociaux. «Pourquoi ce problème est-il important d’un point de vue des droits de l’enfant?»interroge par exemple l’ONG Humanium. «Bien qu’il existe de nombreux débats sur le point de savoir si le droit à un environnement sûr devrait être défini comme un droit fondamental, le respect et la protection des valeurs qui en découlent sont, sans aucun doute, étroitement connectés avec les droits à la vie et à la santé. Aucun enfant ne devrait souffrir des dérangements causés par l’activité humaine… Mais pour cela, conclut l’ONG, il faudrait que les textes engrangés aient une valeur juridique et que leur non-respect soit suivi éventuellement de sanctions.»
Protéger les militants
Autre question cruciale:la protection des droits des défenseurs environnementaux à travers le monde. Avec 197 morts l’an dernier selon le dernier rapport de Global Witness, la violence exercée à l’encontre des militants environnementaux ne cesse de se développer dans le monde, affirmait en mars dernier l’ONU Environnement. «Ceux qui luttent pour protéger la planète devraient être considérés comme des héros. Malheureusement, ils paient un lourd tribut à leur sécurité, et parfois même à leur vie.» Or les droits de l’environnement sont aujourd’hui inscrits dans plus de 100 constitutions nationales. Environ quatre militants sont malgré tout tués chaque semaine au motif qu’ils exercent un autre droit fondamental: la liberté d’opinion.