De ce côté-ci de l’Atlantique, la féministe américaine Camille Paglia n’est pas très connue. Aux USA et au Canada, par contre, elle choque et fascine depuis la parution de son premier ouvrage, Sexual Personae. Art and Decadence from Nefertiti to Emily Dickinson, en 1990. Abondamment critiqué et puis consacré comme best-seller par le New York Times, ce pamphlet politiquement incorrect clivera intensément les milieux féministes. C’est vrai que les positions iconoclastes de Camille Paglia sur l’homosexualité, la pornographie, la prostitution, l’avortement ou encore les drogues détonnent par leur radicalité et l’absence totale de souci du qu’en-dira-t-on qu’a toujours manifestées cette professeure de l’Université de Philadelphie. Profondément influencée par les féministes américaines des années 1920 mais également par Simone de Beauvoir, Paglia s’est aussi inspirée de Freud, Sade et Nietzsche. Sa vision des rapports de genre est franchement à l’opposé des tendances pudibondes et moralisatrices du féminisme américain des années 1980 et 1990. Quant à ses positions personnelles sur la pornographie et la prostitution, elles lui vaudront d’être traînée dans la boue et copieusement insultée. Libertarienne, homosexuelle assumée à une époque où ce n’était pas de saison, Paglia se considère elle-même comme une dissidente permanente, « aussi pénible que possible en toute circonstance », héritière « de l’essence des années 1960, de la libre pensée et de la libre expression ». Ses écrits ont été jusqu’ici très peu traduits en français et il faut donc saluer l’initiative de nous proposer aujourd’hui un petit ouvrage très commode pour s’introduire à pas comptés dans la pensée de cette féministe anticonformiste, et intellectuellement transgenre, comme elle se plait à se qualifier elle-même…
Des idées et des mots