Le 10 décembre 2018, la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) aura 70 ans. Un anniversaire marqué par l’espoir et les craintes face aux grands enjeux qui la mobilisent aujourd’hui, de la liberté de circulation à la liberté d’expression.
« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. » Tel est l’article premier d’une Déclaration qui en compte trente. Trente articles essentiels, méconnus, incomplets, souvent violés, parfois remis en cause.
Un coup de jeune
Pour fêter ce 70e anniversaire, l’Association pour les nations unies en Belgique (APNU) a initié la campagne « La Déclaration universelle des droits de l’homme, tout un programme! » à destination des jeunes francophones de 10 à 30 ans. « C’était l’occasion ou jamais de permettre à des jeunes de dire de quelle manière, en ces circonstances présentes, ils voient ce que Stéphane Hessel appelait non pas une déclaration, mais un programme », explique Pierre Galand, président de l’APNU. En mobilisant les écoles primaires, secondaires, supérieures, universitaires et associations de jeunesse, l’initiative a déjà reçu quelque 230 propositions portées par plus de 3500 jeunes. Chaque groupe sera accompagné dans son projet (slam, théâtre, exercice de plaidoirie, bar des droits de l’homme…), par des experts sur le fond (juristes, avocats, professeurs de droit…) et sur la forme (journalistes, artistes…). Les projets primés permettront à certains lauréats de visiter de hauts lieux mémoriels, qu’ils soient liés au passé industriel ou à la Shoah. « Des jeunes seront aussi reçus par notre ambassadeur aux Nations Unies à New York, de même que par notre ambassadeur à Genève au Haut Conseil des Droits de l’Homme. » Tous les participants recevront ensuite un « passeport » qui les adoubera « ambassadeur des droits de l’homme ».
Déclaration de principes
Le président de l’APNU rappelle que si elle n’a pas de portée juridique, la Déclaration n’en a pas moins joué un rôle majeur dans l’histoire du XXe siècle et du XXIe débutant. « La DUDH est à l’origine de l’ensemble des conventions qui ont permis par la suite de confirmer les droits de l’enfant ou les droits des femmes. Évidemment qu’elle est violée, mais des outils sont aussi mis en place pour punir ceux qui la violent. Comme la Cour pénale internationale qui permet de mettre des chefs d’État en accusation. »
Il arrive cependant qu’un découragement s’immisce à la lecture de ces articles, tous bafoués en certains endroits du globe et parfois sous nos yeux. Pour Pierre Galand, c’est ce constat qui crée l’empathie autour du projet. « Il y a tellement de violations caractérisées de la Déclaration. Il n’y a qu’à voir le parc Maximilien. Et il est clair que s’il n’y a pas sans cesse une mobilisation citoyenne, cette Déclaration restera lettre morte. Elle ne vit que par l’effort qui a été fait par les peuples pour forcer les États et la communauté internationale à corriger les injustices. »
Vers un trente et unième article?
À la Cité miroir de Liège, où se tient l’expo « Incursion dans une déclaration », on constate que l’universalité de la Déclaration est aussi régulièrement remise en cause. À force d’entendre des politiques et autres essayistes parler du « droit-de-l’hommisme » comme d’une idéologie louche, le scepticisme guette. « Beaucoup se demandent aussi si cette Déclaration n’est pas dépassée », rapporte Jacqueline Slepsow, coordinatrice du service « Droits humains et citoyenneté » du CAL/Liège.
« La Déclaration est née dans le contexte de la trace indélébile laissée par la Shoah et la Deuxième Guerre mondiale. Quand on dit que c’est la volonté de quelques-uns, oui c’est vrai, puisqu’elle est le fait de ceux qui avaient été impliqués dans cette guerre. Mais rappelons-nous qu’autour de la table, il y avait des Russes, des Chinois, des Libanais, des Européens, des Américains! », rappelle Pierre Galand. « Et bien sûr, en 1948, il y a des choses qu’on n’avait pas perçues. Les aspects d’environnement, de culture semblent aujourd’hui beaucoup plus présents dans les problèmes que rencontre l’humanité. C’est ainsi que certains jeunes ont choisi de travailler sur un trente et unième article. La Déclaration est toujours d’actualité, mais cela n’empêche pas de la compléter… »