Espace de libertés – Février 2018

Tout ce que vous avez toujours voulu (ne pas) savoir sur l’immigration…


Des idées et des mots

Et si la problématique migratoire était d’abord une affaire de perception? C’est l’idée que développent Jean-Michel Lafleur et Abdeslam Marfouk, deux chercheurs belges du Centre d’études de l’ethnicité et des migrations (ULg) dans un ouvrage qui est téléchargeable gratuitement sur le site de l’Université de Liège. Dans ce sujet, comme dans bien d’autres, une surdétermination idéologique fausserait la perception de la réalité. Elle serait le fait de certains médias qui préfèrent surfer sur le sensationnalisme ou se contentent de ressasser les pseudo-évidences de café du commerce; mais également de certains politiques dont les déclarations anxiogènes alimentent la peur, parfois délibérément, par-fois par ignorance, et souvent par simple volonté d’aller dans le sens du vent dominant. Dans une société démocratique comme la nôtre, toutes les opinions ont droit de cité, sauf exceptions légales. Mais le discours des scientifiques se révèle trop souvent inaudible, recouvert par le bruit des disputes ou écrasé par le poids des préjugés. C’est clairement pour déconstruire ces derniers que les auteurs ont uni leurs expertises.

Vingt et une questions parmi les plus sensibles et les plus souvent posées par le grand public et dans les médias trouvent ici des réponses concrètes. L’ouvrage ressemble à certains égards à un manuel pratique dont la concision apporte une heureuse clarté dans ce débat compliqué et trop souvent irrationnel. Il sera particulièrement utile au personnel politique, aux enseignants, aux militants, aux universitaires et aux journalistes; mais éclairera aussi le simple citoyen curieux de prendre un peu de recul et, surtout, de hauteur. Chiffres, graphiques, explication de notions de base, références, recontextualisation: la problématique de la migration reprend ici sa juste dimension, celle d’un phénomène humain, qui existe de toute éternité et qui est beaucoup plus contrasté que ce que l’on a l’habitude de colporter. Par exemple: qui aujourd’hui a conscience que parmi les dix premières nationalités des immigrants dans notre pays, huit sont intra-européennes et seulement deux extra-européennes – la première étant la Française et la dixième… Indienne? (jph)