Espace de libertés – Décembre 2015

Citoyens d’Europe, éduquez-vous!


International
Comment enseigner la citoyenneté en Europe? Du traité de Maastricht à celui de Lisbonne, cette interrogation a évolué avec les textes. Quant aux principes, mais aussi quant aux possibilités de les appliquer concrètement.

« Toute personne ayant la nationalité d’un État membre possède la citoyenneté de l’Union qui s’ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. » C’est ce que nous apprend le traité sur le fonctionnement de l’UE. Cette qualité citoyenne va de pair avec une série de droits fondamentaux. Des droits qu’il convient de défendre.

Éduquer à la citoyenneté, un objectif européen

Récemment, ainsi, l’actualité a rappelé aux Européens que la citoyenneté n’est pas qu’une belle idée, mais qu’un destin commun peut aussi se métamorphoser en objet de menaces. L’attentat mené contre Charlie Hebdo en janvier dernier et l’effroi qui en a découlé ont débouché sur la volonté d’aller de l’avant. Résultat: en mars, une déclaration sur la promotion de l’éducation à la citoyenneté et aux valeurs communes de liberté, de tolérance et de non-discrimination a été adoptée par les ministres européens de l’Éducation. « En réponse aux attaques terroristes qui ont frappé la France et le Danemark en ce début d’année et en mémoire d’atrocités similaires commises en Europe dans un passé récent, pro- clamaient les ministres, nous réaffirmons notre détermination à faire front, ensemble, afin d’œuvrer en faveur des valeurs fondamentales qui sont au cœur de l’Union européenne: le respect de la dignité humaine, la liberté (notamment la liberté d’expression), la démocratie, l’égalité, l’état de droit et le respect des droits de l’homme. »

L’Europe a pris l’engagement de renforcer l’enseignement et l’appropriation de ses valeurs fondamentales par ses citoyens tout en travaillant à la construction de sociétés plus inclusives.

Ce jour-là, l’Europe a pris l’engagement de renforcer l’enseignement et l’appropriation de ses valeurs fondamentales par ses citoyens tout en travaillant à la construction de sociétés plus inclusives. Son moteur: l’éducation. Avec elle, l’UE s’est dite prête à « aider les jeunes, en lien étroit avec les parents et les familles, à devenir des membres de la société actifs, responsables et ouverts d’esprit ». Ce faisant, elle n’a pas oublié de rappeler que « la responsabilité des systèmes éducatifs et de leurs contenus relève des États membres ». Plusieurs stratégies et programmes européens déjà existants ont toutefois été redéfinis ou réorientés pour être mis au service de la cause.

Un coup de pouce bienvenu

Un petit coup de pouce européen ne fait jamais de tort. En juin, l’Autriche a ainsi remis à jour son ordonnance générale pour l’éducation à la citoyenneté comme principe éducatif pluridisciplinaire dans les écoles. Vienne précisait que « l’éducation à la citoyenneté doit être une part essentielle de l’école dès l’entrée de l’enfant dans le système scolaire, et doit jouer un rôle clé dans l’ensemble des disciplines et activités au sein de l’école dès le début de la scolarité obligatoire –notamment dans le cadre de l’école de la démocratie ». En Belgique francophone, c’est en octobre que l’enseignement de la citoyenneté a acquis ses bases légales, des cours devant être organisés dans le primaire et le secondaire, respectivement dès 2016 et 2017.

Heureusement, il n’a pas fallu attendre l’attentat de Charlie Hebdo pour que l’on se mette à parler de cours de citoyenneté en Europe. En 2012, l’UE établissait un bilan de ce type d’éducation dans un rapport Eurydice. On pouvait y lire que « l’éducation à la citoyenneté est pré- sente dans les programmes d’études de tous les pays […]. Dans vingt pays ou régions, l’éducation à la citoyenneté fait l’objet d’une matière séparée obligatoire, débutant parfois au niveau primaire, mais plus généralement au secondaire ».

Constat positif donc. Toutefois, comme souvent en matière européenne, l’union cache une multitude de disparités. S’agissant de citoyenneté, celles-ci portent sur la durée du temps d’enseignement (de 12 ans en France à un an en Bulgarie), l’approche et la nature des contenus, les exigences en termes de connaissances et d’aptitudes, la définition des thématiques abordées, etc.

En 2012, l’Europe constatait également que « plus le niveau d’enseignement est élevé, plus il est habituel d’avoir une réglementation qui autorise la participation des étudiants à la gestion des établissements […] Tous les pays, à l’exception de Chypre, de la Suède et de la Turquie, ont introduit de telles mesures tant au niveau primaire que secondaire ». Cette démarche s’accompagne dans une petite majorité de pays d’une évaluation scolaire externe. Elle aborde notamment la gouvernance des établissements, en examinant, par exemple, le degré de participation des élèves, des parents et des enseignants aux différents organes consultatifs ou de prise de décision au niveau de l’école.

Hors l’école, la citoyenneté s’enseigne un peu partout dans l’UE via des documents d’orientation, mais aussi divers programmes et projets. « Travailler avec la communauté locale, découvrir et faire l’expérience de la participation démocratique dans la société et aborder des problèmes d’actualité comme la protection de l’environnement et la coopération intergénérationnelle et internationale sont des exemples d’activités encouragées par les programmes nationaux financés par les autorités publiques », rapporte Eurydice. Il est aussi question de l’existence de structures politiques, principalement au niveau secondaire, destinées à fournir aux élèves un forum de discussion, afin de leur permettre d’exprimer leur opinion sur des questions qui les préoccupent.

Évaluer la citoyenneté?

Mais au bout du compte, faut-il évaluer les performances des élèves dans les matières liées à la citoyenneté? Et comment, le cas échéant? Il est beaucoup question d’évaluations internes et externes dans les documents européens. D’objectifs à atteindre et de remédiations. De formations spécialisées qui sensibiliseraient le corps professoral et créeraient un trait d’union par-delà les frontières nationales. Autant d’idées sensibles et généreuses qui doivent amener l’Européen à s’identifier à la construction politique supranationale et son package de valeurs. Avec l’espoir que, demain, un réflexe européen s’impose dans les urnes en lieu et place des pulsions populistes qui sapent la communion des Vingt-huit.