Espace de libertés – Décembre 2015

L’EPA, pas un « cours de rien »


École
Parmi les établissements scolaires qui ont reçu des demandes de dispense des cours de religion et de morale, trois écoles de l’enseignement officiel ne manquent pas d’idées pour éveiller les élèves au questionnement philosophique et à la citoyenneté.

Les chiffres sont tombés en octobre dernier: seuls 2,56% des élèves ont opté pour l’encadrement pédagogique alternatif (EPA). Dans certaines écoles, les élèves ont continué à suivre leur cours de religion ou de morale, mais dans d’autres –principalement dans les grandes villes–, l’EPA a rencontré un véritable succès, attirant parfois près de 50% des élèves. Parmi celles-ci, deux écoles primaires à Ottignies-Louvain-la-Neuve et une école secondaire à Bruxelles ont décidé, dès la rentrée, de proposer un véritable projet pédagogique aux élèves qui ont choisi l’EPA.

Apprendre à penser

« Face à la demande des parents, on s’est dit qu’il n’était pas question de ne pas proposer quelque chose de cohérent très rapidement », explique Michel Beaussart, échevin de l’enseignement à Ottignies-Louvain-la-Neuve. « On a aussi tenu à respecter l’esprit du décret, en proposant une vraie alternative. » Connaissance de soi, de l’Autre, ouverture sur le monde, mais aussi apprentissage et gestion des émotions… Le programme est vaste. Raphaëlle Bouillon, animatrice culturelle, explique qu’avec les enfants de la 1re à la 3e primaire, il est important de passer par tout ce qui est physique: « Les jeunes enfants ont besoin de vivre les choses avec leurs sens. On leur donne déjà beaucoup de matière qui est déjà pensée alors qu’en EPA, on leur apprend à penser par eux-mêmes. Et à développer peu à peu leur esprit critique. Mais dans un premier temps, ils découvrent les choses avec leurs sens, en mouvements, en actions et en interactions. »

Céline Vander Sande, formatrice au CEMEA (1) et animatrice pédagogique en 5e et 6e primaire à Ottignies, revient sur sa première séance d’EPA et sur la toute première question soulevée par les élèves: « Pourquoi a-t-on créé un cours d’EPA? » Après réflexion, ils ont répondu par eux-mêmes que sa création permet de respecter le libre choix des parents. « Sur la base de cette question du libre choix, on a démarré avec trois séances sur la notion de liberté ». Ravis de pouvoir donner leur avis sur des questions de société, les élèves sont enthousiastes. « On peut dire ce que l’on ressent, s’exprimer autrement que dans les autres cours », témoigne Clara, 11 ans. « On s’est dit qu’on allait d’abord, le premier trimestre, les habituer au débat philosophique, poursuit l’animatrice, les mettre en conditions pour discuter ensemble, pour chercher des réponses, mais avec l’idée aussi, loin d’être évidente pour les enfants, qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. »

Les élèves au coeur de l’EPA

À l’Athénée des Pagodes à Bruxelles, dans le cadre de l’EPA, on a décidé que les élèves eux-mêmes auraient leur mot à dire quant aux contenus. « À partir de ce qui ressort des discussions, on va progressivement construire le fil du cours, explique la professeure Stéphanie Bettens. On est parti des trois grands thèmes abordés dans l’objectif de l’EPA, à savoir la démocratie, la compréhension des institutions et de leur fonctionnement; le questionnement philosophique et le développement de l’esprit critique, et enfin le bien-être, la connaissance de soi et des autres. Mais on a aussi voulu sortir du cadre classique en tenant compte des idées des élèves pour terminer par un projet final qu’ils évalueront eux-mêmes. »

Comme le souligne Charly Hanon, préfet de l’Athénée des Pagodes, « l’EPA doit se vouloir une ouverture aux différentes cultures ainsi qu’une ouverture à la parole. Car l’école a ce devoir de permettre l’échange entre les élèves de croyances et d’origines différentes. » Car là où les cours de religion et de morale séparent les élèves en fonction des convictions de leurs parents, l’EPA les rassemble. Le jeune Kilian, qui suivait avant le cours de morale, se réjouit de parler avec ses camarades catholiques et musulmans de ce qui les différencie, certes, mais surtout de ce qui les unit. « Car même si chacun a ses opinions, conclut Julie, on peut tout à fait débattre et s’entendre malgré ces différences. Et le débat n’en est que plus riche. » Paroles d’élèves citoyens.

 


(1) Centre d’entraînement aux méthodes d’éducation active.