Espace de libertés – Juin 2016

CoeXisT: rassembler sans se ressembler


Arts
Combo Culture Kidnapper, jeune artiste de rue français, exposait «CoeXisT» à l’Institut du monde arabe à Paris en ce début d’année. Son objectif: utiliser le street art comme vecteur d’un message de paix, de tolérance et de coexistence entre les religions et les peuples.

Combo, c’est l’abréviation de «combinaison» en anglais. Combo Culture Kidnapper a été défini comme tel. Un mélange identitaire, un mélange de styles aussi qui se traduit dans son art. Né d’un père libanais chrétien et d’une mère marocaine musulmane, Combo connaît parfaitement le métissage entre les cultures. «Toute ma famille est une mosaïque de cultures et c’est incroyablement enrichissant quand on prend conscience de la force que cela peut avoir», confie l’artiste. Sa vie est rythmée par les voyages depuis son enfance. La France, le Maroc, la République centrafricaine et à nouveau la France. Il étudie ensuite les Beaux-Arts et devient artiste de rue confirmé. L’humain, par une rencontre, le monde par un voyage, et puis sa propre histoire. C’est tout cela qui s’affiche sur les murs après le passage de Combo.

C’est de son jardin parisien que Combo décroche son téléphone. Assez timidement, il lance: «J’étais en train de brosser mes outils. Je reviens de Barcelone.» Quelqu’un de discret, humble, «très ordinaire», dit-on de lui, mais passionné et investi par son travail. Cela s’entend. Sa voix est à la fois jeune et mature, dynamique et posée. Le rire facile, il converse sans tabous sur ses engagements.

Du djih’art à CoeXisT

Du 7 janvier au 6 mars dernier, l’artiste exposait «CoeXisT» à Paris à l’Institut du monde arabe. Un lieu symbolique pour porter un message d’unité et de vivre ensemble contre l’extrémisme religieux. Lorsque Combo annonce un départ à Beyrouth en 2014, son entourage s’en inquiète et lui demande s’il veut faire le djihad. Fatigué de ces amalgames, sa réponse est: le «djih’art».

Le concept: une mise en scène d’un personnage musulman interprété par l’artiste lui-même en train d’afficher des phrases telles que «En France, il y a plus de 50 000 musulmans qui protègent notre pays dans l’armée» ou encore «Les musulmans finissent leur prière par amen comme les chrétiens et les juifs». Et puis, il y a eu cette agression. L’artiste est frappé alors qu’il en train de coller son affiche de coexistence. Les menaces ont afflué et continuent de remplir sa boîte mail. Les propos de Combo dérangent dans toutes les communautés. «Déranger», c’est peut-être aussi ce qui a motivé l’artiste à continuer son projet pour finalement créer «CoeXisT». Un C, pour le croissant musulman, une étoile de David pour le X et un T pour la croix.

L’artiste avait alors donné rendez-vous aux Parisiens devant l’Institut du monde arabe pour diffuser des affiches portant le mot «CoeXisT» juste après les attentats contre la rédaction de Charlie Hebdo et l’attaque de l’Hyper-cacher. Ils étaient des centaines à afficher dans les rues de Paris le message d’unité de Combo.

«Je leur vole une partie de leur identité»

Avec le recul, l’artiste tente d’analyser les réactions virulentes face à son art: «Ce qui pose problème pour beaucoup, c’est que je leur vole une partie de leur identité qu’ils cherchent péniblement à s’approprier. Le malaise social mène certaines personnes à se tourner vers la religion pour se réaffirmer au sein d’une communauté. En taguant une étoile de David, je fais appel au sionisme et à une politique française pro-Israël. Tout comme lorsque je peins le croissant musulman, pour d’autres, je fais appel à la violence. Ces gens se sentent donc agressés et violés dans leur intimité.»

L’artiste qui voulait changer le monde

En créant «CoeXisT», Combo veut apporter, avec son art, un levier de pensées communes: «Bien sûr que je souhaite changer le monde! Prenez les photos de l’enfant vietnamienne brûlée durant la guerre du Vietman. Si le photographe Nick Ut n’avait pas diffusé cette photo, le cours de l’histoire aurait pris une autre tournure», explique l’artiste.

Après les attentats de Paris, Combo désire montrer une autre image de la communauté musulmane véhiculée dans les médias. L’enjeu est majeur et le concerne directement. Ses origines, son passé s’immiscent dans cette volonté de faire bouger les choses.

Le débat et les combats sont longs lorsqu’on traite de l’art et de son bouleversement amorcé contre les mentalités sectaires. Mais il est mené de front par des artistes comme Combo qui tentent de faire entendre leurs voix. Changer le monde est sans doute trop ambitieux mais pour l’artiste français, c’est une question de positionnement face à l’actualité pour exprimer un message fort d’engagement citoyen.