Espace de libertés – Juin 2016

Le CD&V sort du bois sur les questions éthiques


Libres ensemble

« Ça s’en va et ça revient… » (1)

Alors que le gouvernement fédéral tangue sur bon nombre de dossiers –et selon certains, manquerait même d’ « ambition collective » (2) –, étrangement, un de ses membres continue, lui, à ressasser ses vieilles frustrations et à tranquillement avancer ses pions sur les dossiers éthiques.

À l’analyse, la stratégie du parti démocrate-chrétien flamand de ces dernières semaines, visant à réattaquer sur les questions de début et de fin de vie, semble bien calibrée: florilège.

L’euthanasie en ligne de mire

Le 4 février dernier, dans une interview donnée au Figaro, le chef de groupe CD&V au Sénat, Steven Vanackere, critique vertement notre législation du 28 mai 2002 sur l’euthanasie en demandant d’en «évaluer les dérives». Surfant sur l’écho médiatique d’une euthanasie contestée par des membres de la famille de la défunte, pour saper la loi précitée, il reprend ainsi mot pour mot dans cette interview les arguments du groupe de pression Les dossards jaunes ou des évêques de Belgique l’an dernier (ces derniers, dans une opinion du 2 mars 2015, avaient sans le moindre début de preuve affirmé sans ambages que «depuis la loi de 2002 sur l’euthanasie, le constat s’impose: la dérive prédite à l’époque est devenue réalité»).

Monsieur Vanackere ira encore plus loin dans une interview donnée à Cathobel le 4 avril 2016 qualifiant la loi du 28 mai 2002 de «déficiente» avant d’ajouter: «Il faut avoir honte d’un pays incapable de traiter de manière civilisée le sujet de la fin de vie! Nous voulons permettre un véritable débat sociétal, au-delà de l’idéologie, et en associant la société civile.»

«Dérives»? «Honte»!? Les mots sont rudes et, de la part d’un parlementaire aguerri, peuvent surprendre car matériellement, peu d’éléments viennent un tant soit peu donner corps à cette théorie des «dérives» dans l’application de la loi belge sur l’euthanasie. Que de contraire même (comme notre revue Espace de libertés s’en est déjà fait l’écho) puisque, interrogé sur ce thème le 4 mars 2015 au Parlement, la réponse de notre ministre de la Justice n’avait laissé planer aucune équivoque: «Je n’ai, pour le moment, connaissance détaillée d’aucun cas (de dérive). Du reste, je n’ai reçu de mes services aucun signal inquiétant qui indiquerait que la loi ou le respect de celle-ci nécessiterait un ajustement dans la pratique.» Un dossier a, depuis cette réponse, été transmis par la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’application de la loi sur l’euthanasie au Parquet.

Pourtant, malgré cette évidence assénée par un ministre de son propre parti, le sénateur Vanackere persiste à vouloir obtenir «une révision de la loi sur l’euthanasie», même si cette question est absente de l’accord de gouvernement.

Délivrer un acte de naissance à un fœtus?

À la Chambre des représentants, c’est le feuilleton du statut de «l’enfant mort-né» qui lui, inlassablement, à l’initiative de la députée CD&V Sonja Becq, revient à l’agenda de la commission «Justice» depuis plus d’un an. Certes, ce point était prévu dans l’accord gouvernemental et, le 13 novembre 2014, le ministre de la Justice (CD&V lui aussi) avait expliqué qu’une «nouvelle législation sera élaborée sur la question du nom et de l’enregistrement des enfants mort-nés. Concernant l’enregistrement, cette nouvelle législation tiendra compte des évolutions en néonatalogie où la limite de viabilité se situe plus bas que celle appliquée dans le Code civil. Il deviendra également possible de donner à cet enfant un nom de famille en plus d’un prénom, sans que cela produise un autre effet juridique».

On comprend évidemment la douleur qui doit être celle de parents victimes d’une grossesse qui n’aboutit pas. Cette compréhension ne doit cependant pas nous amener à complètement abandonner l’usage de la raison. Faire son deuil ne suppose pas nécessairement l’accomplissement de formalités administratives qui, lorsqu’elles consistent à donner des éléments de la personnalité juridique à un fœtus, peuvent clairement mettre en danger notre législation sur l’interruption volontaire de grossesse.

Et, au vu des textes déposés depuis des mois au sein de la commission «Justice» de la Chambre, l’idée de potentiellement délivrer un acte de naissance à un fœtus fait froid dans le dos! Le délai à partir duquel cet acte de naissance pourrait être délivré n’est pas encore définitivement connu mais varie entre 1 et 85 jours. Or, si on peut délivrer un acte de naissance à un fœtus par exemple dès le 1er jour de conception, comment permettre encore une IVG jusqu’à 12 semaines de grossesse?

Peu importe les innombrables prises de position de médecins, d’associations, etc.; le CD&V continue malgré tout à faire de cette question un enjeu de gouvernement, n’hésitant pas même à menacer son partenaire libéral francophone de potentiellement dénicher une majorité alternative sur ce thème…

L’inexorable volonté de la députée CD&V Sonja Becq de voir aboutir ce dossier laisse songeur, car, quelques semaines après les attentats du 22 mars, on aurait pu imaginer qu’au sein de cette commission «Justice», nos élus auraient plus urgent à traiter que de cette délivrance éventuelle d’un acte de naissance à un fœtus…

La révision de la Constitution

Enfin, cerise sur le gâteau, ce 5 février 2016, c’est en commission de révision de la Constitution de la Chambre des représentants que le CD&V a dégainé: Servais Verstraeten, son chef de groupe, a placidement émis l’hypothèse que, parmi les valeurs que le Constituant pourrait inscrire dans la charte fondamentale de notre pays, pourrait très bien figurer selon lui le droit… à la vie.

À l’offensive

La boucle est bouclée, nul ne doit être dupe. Pour rappel, lors du synode du Vatican sur la famille, l’appel à la mobilisation du pape François était particulièrement franc: «Il est urgent que les chrétiens engagés en politique encouragent des choix législatifs appropriés et responsables en matière de promotion et de défense de la vie.» Visiblement, l’appel papal a été clairement entendu par le dernier parti encore étiqueté chrétien de Belgique.

L’enjeu est de taille. Il s’agit non seulement de la sauvegarde d’acquis mais aussi de notre volonté d’améliorer encore nos législations sur le plan éthique. Si le CD&V veut avancer sur ces différentes questions, il appartient à nos élus pour lesquels les valeurs d’autonomie et de liberté de choix ont un sens de sortir du bois à leur tour et d’avancer collectivement. L’appel est lancé.

 


(1) Chanson populaire, Claude François.

(2) M. Bn., «Bart De Wever: Le fédéral ne dégage pas une ambition collective», dans Le Soir, 20 mai 2016.