Sadiq Khan, vous connaissez ? Oui, bien sûr. C’est le nouveau « maire musulman » de Londres. Comme vous l’avez pu lire, il n’est pas le nouveau « maire de Londres », mais le « maire musulman » de Londres.
Et premier à être élu « maire musulman » d’une « capitale » européenne. On précise bien « capitale » pour éviter de devoir partager cette particularité avec Ahmed Aboutaleb, « maire musulman » de Rotterdam depuis 2009. Vous savez, celui qui a osé virer Tariq Ramadan de son poste de conseiller pour l’immigration à la mairie pour s’en être servi à des fins de prosélytisme en faveur d’une idéologie peu conforme avec nos démocraties.
En ces temps troublés, le fait de voir un musulman accéder au mayorat d’une capitale de 8,5 millions d’habitants peut gêner ceux à qui toute évocation de l’islam donne des boutons. Et ça fait du monde. Qu’importe qu’il soit né au très londonien St George’s Hospital, dans le quartier populaire de Tooting, et qu’il y ait grandi et effectué sa scolarité dans une cité HLM. Qu’importe qu’il soit devenu avocat spécialisé dans les droits de l’homme via l’Université de Londres-Nord, puis le célèbre College of Law de Guildford. Qu’importe qu’il soit député de sa cité natale depuis 2005 et qu’il ait été deux fois ministre. M. Khan est le « maire musulman » de Londres. Point barre.
Qu’est-ce que cela nous révèle ? D’abord, que le complotisme et le procès d’intention se portent bien, merci pour eux. À peine élu, M. Khan aura trouvé, sur des médias en ligne, des « révélations » sur son passé : des déclarations qu’il aurait faites en 2005 à propos du conflit israélo-palestinien. Ne serait-il pas à la solde du Hamas ? Vérification faite, il n’avait jamais prononcé les propos qu’on lui a prêtés. Ensuite, cette élection nous apprend que oui, il y a encore beaucoup de monde pour penser que tous les musulmans sont des salafistes liés à Daesh ou Al-Qaïda. Apparemment, il est encore utile de le rappeler, à l’heure où un candidat à la présidence des États-Unis, Donald Trump, déclare sans rire que lui élu, plus aucun musulman ne franchira la frontière du pays de la « liberté éclairant le monde ». Quelqu’un lui dit que 3,3 millions de ses compatriotes le sont ? Enfin, rayon bêtise, on notera l’ahurissante importance médiatique accordée à l’appartenance religieuse de cet homme. Car finalement, quoi de plus normal que de voir un descendant d’immigrés pakistanais accéder à de hautes fonctions dans un pays qui s’est largement bâti sur un empire colonial ?
Heureusement, il s’est trouvé une majorité de Londoniens pour choisir le projet humaniste de M. Khan pour une ville que son prédécesseur blond et anglican, né à New York, ayant étudié à Bruxelles et possédant la double nationalité, avait rendue inaccessible aux gens du cru non fortunés. Pour conclure, on notera aussi que si l’accession de Sadiq Khan au mayorat de Londres marque symboliquement la fin de l’anglicanisme comme religion d’État, les religions restent le principal terreau dont se nourrissent les belliqueux. Comme disait Seán O’Casey : « Il y a toujours une bagarre à la clé quand on cause religion. » Et si l’on essayait la laïcité ?