À l’heure où vous lirez ces lignes, les urnes françaises auront rendu leur verdict. À l’heure où nous les écrivons, nous ne pouvons pas deviner qui l’aura emporté. Qu’importe, prétendront certains, qui ne cachent pas leur dégoût de la politique et de son personnel, ne sont-ils pas « tous les mêmes« ? Les casseroles de l’un, les « affaires » de l’autre; les émoluments indécents de quelques-uns et les abus à répétition de quelques autres: la presse bruisse quotidiennement de scandales qui se ressemblent à un point tel que c’est à peine si l’on y fait encore attention.
Les amateurs de cinéma songeront peut-être au Guépard, de Visconti, Palme d’or à Cannes en 1963, avec Burt Lancaster, Claudia Cardinale et Alain Delon dans les rôles principaux. « Si nous voulons que tout reste pareil, il faut que tout change« , c’est la leçon cynique de cette fable politique qui n’a malheureusement pas pris une ride. Sans doute est-elle aujourd’hui la devise de quantité d’autocrates de par le monde qui, à coups de plébiscites trop bien arrangés, d’élections savamment truquées, de constitutions contournées, trahies, ou mises entre parenthèses, de manipulations, d’intimidations, de censure, et parfois de violences inouïes contre leur propre peuple, tentent de surnager indéfiniment.
Mais tout cela est-il inéluctable?
Dans une interview publiée récemment dans Le Monde des livres, le philosophe français Frédéric Worms expliquait que la philosophie est la recherche de la vérité destinée à transformer nos vies. Et que si certains penseurs cherchent la vérité sans vouloir changer les vies et que d’autres veulent transformer les vies sans rechercher la vérité, le philosophe, lui, fait les deux. De fait: le citoyen-philosophe a le pouvoir de changer ce qu’on lui présente trop volontiers comme étant « sans alternative ». Il en a le pouvoir, mais à condition de vouloir l’exercer.
En ce mois de mai 2017, les adolescents de la Fédération Wallonie-Bruxelles vont avoir à poser un choix crucial: ils devront dire s’ils optent pour une ou deux heures de cours de philosophie et de citoyenneté à l’école. Ce ne sera pas la panacée, non. Mais ce sera un grand pas en avant vers plus de lucidité et plus de responsabilité. Choisir deux heures de CPC, ce sera poser un acte concret contre la supposée fatalité qui conduit trop souvent les peuples à l’abattoir, avec ou sans « étourdissement » préalable…