Espace de libertés – Mars 2017

La démocratie est-elle un songe?


Édito

La période qui jusqu’à nouvel ordre – ou nouvel « ordre nouveau » – s’étend de 1945 à ce jour n’aura-t-elle été qu’une parenthèse aussi heureuse qu’inexplicable? Jamais en effet n’avions-nous connu en Europe occidentale, une telle plage de paix et de prospérité. Jamais autant de pays européens n’avaient-ils cohabité aussi paisiblement, coopéré sans arrière-pensées territoriales ni désir d’asservir ses voisins. Jamais n’avions-nous vu ces mêmes États tenter de construire une « nation européenne » sans frontières et sans volonté de domination de l’un sur les autres. Une expérience de paix, de démocratie et de liberté.

Aujourd’hui, nombre de concitoyens regardent ce qui fut rêvé et réalisé comme une amère chimère et n’éprouvent plus que ressentiment. Ils s’apprêtent à voter en masse pour un retour en arrière, pour une Europe des nations, la fermeture des frontières et le repli sur soi. Pour une Europe du Brexit, du Nexit1, du Franxit2. Une Europe du « non » à la liberté, du « non » à l’égalité, du « non » à la solidarité.

Pourtant nous la connaissons bien cette Europe des nations-qui-se-tapent-dessus-à-la-première-occasion. Elle a montré ce dont elle était capable: guerres de Cent Ans, de Religion, d’Italie, de Trente Ans, de Sept Ans, de succession de tel ou tel, napoléoniennes, franco-prussienne, d’Autriche, de Crimée, des Balkans, coloniales, mondiales (épisodes un et deux). Il y en eut tellement…

« Le nationalisme, c’est la guerre. » Tel fut le sujet du dernier discours de François Mitterrand. Un discours prononcé, le 8 mai 1995, à Berlin. Mitterrand savait de quoi, pour quoi et où il parlait.

L’extrême droite – qui n’a jamais été aussi puissante depuis les années 1930 – et le populisme qui, à droite comme à gauche, nous promettent de nous raser gratis demain ne disent pas le principal. S’ils gagnent, si l’Europe s’écroule, ce sera la guerre.

Puissions-nous n’avoir pas totalement oublié ce que cela signifie.

 


(1) Néologisme désignant une hypothétique sortie des Pays-Bas de l’Union européenne dans le cas où le PVV de Geert Wilders gagnerait les élections de mars 2017.

(2) Idem pour la France en cas de victoire de Mme Le Pen aux présidentielles d’avril-mai 2017.