À Liège, «Être jeune et citoyen en 2017» propose, à travers deux expositions interactives, d’explorer la notion de démocratie et d’esprit critique. Mauvais élèves, on compte sur vous!
Un mercredi matin, à 9 heures. Au quatrième étage de la tour vitrée de l’Espace Wallonie, des élèves de quatrième secondaire technique et professionnelle d’une école liégeoise se dispersent par groupe de deux, questionnaire à la main. Proposée par le musée BELvue, musée de la Belgique et de son histoire, et présentée pour la première fois en 2012 à Bruxelles, «La fabrique de la démocratie» est construite autour d’une cinquantaine de bornes interactives qui invitent les jeunes à donner leur avis et à confronter leurs opinions. Identité, diversité, droits humains et libertés: les thèmes abordés, nous avertit le dossier pédagogique, susciteront peut-être en aval quelques débats animés.
À l’entrée, un premier «vrai ou faux» capte l’attention. «Pour faire partie de l’équipe des Diables rouges, il faut être Belge.» Vrai, mon capitaine! «Tous les oiseaux pondent des œufs»: c’est faux, et l’on s’y trompe aussi. Seules les femelles, nous rappelle-t-on, ont cet insigne honneur. Un peu plus loin, un panneau propose au visiteur de comparer sa couleur de peau à une dizaine d’échantillons, du plus clair au plus foncé. Le clapet soulevé, on s’aperçoit que les différentes pastilles appartiennent à la même photographie représentant un torse d’homme. Jeu d’ombre et de lumière sur un corps métissé. Plus loin, l’activité consiste à placer des poids sur une balance: d’un côté les faits, de l’autre les préjugés. Deux jeunes garçons posent «Le prof peut se tromper» dans le plateau des préjugés. Simple erreur de lecture? Ou désir de flatter Maître Corbeau?
Cesser d’être un «bon élève»
Pour devenir un bon citoyen, il faut d’abord cesser d’être un bon élève, au sens où l’on parle de «bon patient» pour évoquer ce désir que nous avons de nous conformer aux attentes de la hiérarchie médicale, en manifestant les symptômes typiques, les névroses attendues, les effets secondaires documentés. On emporte cette hypothèse vers un autre groupe d’élèves s’adonnant à «L’expérience critique»1. L’introduction est consacrée aux «biais cognitifs». La Maison aux Escaliers d’Escher, les rotating snakes qui font bouger l’image: les illusions d’optique défilent sur l’écran. Voici le train qui semble arriver ou partir, la danseuse qui tourne dans un sens ou dans l’autre, selon les caprices cérébraux de celui qui regarde. Car si nous nous illusionnons, c’est chacun à sa manière.
Ainsi mis en garde quant aux sens trompeurs chers à Descartes, on se dirige vers les quatre zones thématiques: l’éducation, les médias, la consommation et la politique. «L’éducation, c’est s’éduquer à la vie», explique un participant. «C’est forger son caractère», lance un autre. Devenir un mauvais élève, disait-on. De l’accès à l’information aux régimes dictatoriaux, il n’y a qu’un pas qu’on franchit tout droit en direction de la Corée du Nord, dont tous ont entendu parler. Silence radio, en revanche, sur les pays pour lesquels la question se pose de manière moins spectaculaire mais lancinante. Descendus d’un cran à l’étage du pouvoir, les élèves s’animent. «Les politiciens, ils sont corrompus. Quand on les voit, ils sont toujours derrière leur PC à ne rien faire, tout ça pour toucher une grosse pension alors que nous on est là, avec notre pension à 700 euros», explique un jeune garçon – très loin de la pension – avec un sourire désarmant. L’animatrice réplique que, tout de même, ces gens ont «souvent fait de grandes études». Mais dans notre cerveau plein de biais cognitifs traînent ce matin-là les premiers décrets signés par Trump et les chiffres de l’affaire Publifin. Le diplôme, on le sait, n’est pas la question. La question est celle de la santé démocratique dont, comme de nos sens, il faudra bien commencer par douter. Méthodiquement.
(1) Cette expo itinérante du CAL de la Province de Liège a fermé ses portes à l’Espace Wallonie le 24 février mais poursuivra sa route, NDLR. Infos: www.calliege.be.