Je suis psychologue depuis 14 ans dans un planning familial et animatrice en éducation à la vie relationnelle affective et sexuelle (ÉVRAS), dans un quartier multiculturel de Bruxelles. J’ai envie de vous faire vivre mon année scolaire et de partager mon expérience au quotidien au gré de cinq épisodes. Aujourd’hui, c’est la rentrée et je prépare déjà les débats et sujets qui seront abordés en classe, avec les enseignants.
Après deux mois de vacances scolaires sans animation, je suis reposée, ressourcée et excitée à l’idée de toutes les rencontres qui m’attendent. Dès la rentrée, j’ai repris contact avec une école fondamentale où j’interviens tout au long du cycle depuis plusieurs années. J’arrive aujourd’hui à la réunion de préparation des animations pour l’année, la tête bouillonnante d’idées et de réflexions qui sont nées pendant l’été. Dès que je passe le portique de l’école, une dizaine d’enfants se rue vers moi : bisous, accolades, câlins et mots tendres plus tard, c’est pleine d’énergie que j’arrive dans la salle des professeur.e.s. Joli tintamarre de « clicks » de micro-ondes, d’odeur de café, de papier, de colle, et de rires. L’accueil des enseignant.e.s est à l’image de celui des élèves. Être à la bonne place, au bon moment : une phrase qui s’impose à mon esprit.
Quoi de neuf cette année ? J’ai droit à un condensé de scoops : Madame Marie est enceinte ! On a reçu des subsides pour le projet contes ! Beaucoup de primo-arrivants et une foule de demandes tardives d’inscription… Je m’assieds sur un banc avec l’assistante sociale de l’école qui coordonne et soutient le projet ÉVRAS. Un.e à un.e, les enseignant.e.s nous rejoignent pour fixer les objectifs de l’année et, plus compliqué encore, les plannings de nos séances.
Répéter, s’adapter
« Cette année, je ressens des problèmes dans la gestion des émotions, dans ma classe. C’est “Hollywood” tous les jours et les disputes entre filles n’arrêtent pas. C’est surtout l’exclusivité qui m’inquiète. Donc, je pense qu’il faudrait travailler ces thématiques : qu’est-ce qu’un ami, comment dire non… », me confie Madame Dominique, qui est titulaire des 3e et 4e primaires (faute de locaux et de moyens, ici, les classes regroupent parfois deux niveaux).
« OK, j’entends. Je t’avoue que je suis surprise… L’année passée, on était allé assez loin sur la question de la liberté de chacun. Tu sais, de toute façon, en P3-4, je travaille surtout les interactions. Je pense faire un débat mouvant afin qu’ils puissent se différencier entre eux et travailler aussi l’estime de soi, qui me semble une question sous-jacente. » L’idée étant que, face à des affirmations, les jeunes puissent se positionner en « d’accord ou pas d’accord » et justifier leurs positions. Une amorce efficace pour susciter le débat et libérer la parole.
Les rencontres s’enchaînent. J’ai un programme d’animations en tête, mais je l’ajuste et m’adapte aux préoccupations des professeur.e.s. C’est eux qui vivent avec leurs élèves au quotidien, qui les observent, entendent et ressentent ce qui occupe leurs petites têtes. Toutes ces questions, ces peurs, ces projections dans le futur peuvent parfois les envahir et freiner l’apprentissage des matières scolaires par manque de place, oserais-je dire…
Projection d’une année
Une heure plus tard, l’année est planifiée. Je rencontrerai les classes de la 2e maternelle à la 6e primaire. La plupart des enfants me connaissent et nous allons poursuivre ensemble ce programme ludique qui a pour objectifs, entre autres, de leur donner confiance en eux, d’ouvrir leur champ des possibles et d’accepter la différence chez eux comme chez les autres. Je verrai chaque classe deux fois par an, en demi-groupe, et avec l’aide d’une co-animatrice.
D’ailleurs, cela me ramène à l’esprit que je dois encore faire coïncider le planning à peine établi avec l’école et celui des autres animateurs, de mes consultations, de mes accueils et y prévoir des réunions de préparation, d’échange de pratiques et… d’encodage.
Mon moral en prend à peine un coup. L’envie d’aller de l’avant, l’énergie me transportent jusqu’au centre de planning. Je me prépare un thé fumant et poivré. Par association, je me plonge dans ma première animation prévue cette année : les cinq sens dans une classe de deuxième maternelle…