Espace de libertés – Octobre 2015

« Atopolis »: les fondations d’une ville idéale métissée


Arts
Dans le cadre de Mons 2015, le WIELS, centre d’art contemporain de Bruxelles, investit jusqu’au 18 octobre le Manège de Sury en présentant « Atopolis », autrement dit la ville idéale. La migration, la mondialité contre la mondialisation, le transfert des cultures et le métissage sont les thèmes fondateurs de cette Tour de Babel. À l’heure où l’Europe connaît une crise dramatique d’immigration, «Atopolis» propose des pistes de réflexion à travers l’art contemporain.

Un ancien couvent comme passé et une pépinière de jeunes entreprises comme futur. C’est ce qu’a été et sera le Manège de Sury, lieu historique au cœur de Mons. Mais pour un temps, présent, Dirk Snauwaert le président du WIELS donne une autre vie au manège: « Atopolis », un terme grec qui signifie la ville idéale. Vingt-trois artistes de renommée mondiale dans l’art contemporain ont répondu à l’appel. Parmi eux, le Suisse Thomas Hirschhorn et son œuvre Glabalization Reversed qui rend hommage à l’écrivain martiniquais Édouard Glissant, grand penseur du Tout-monde, du métissage et de la mondialisation. Thomas Hirschhorn présente son œuvre comme l’atelier géant d’un artiste. Un véritable brainstorming en 3D du sol au plafond. On y trouve des meubles couverts de «tape» pour écrire dessus, de la frigolite à sculpter, des affiches à remplir, des post-its à coller. Le public est invité à compléter et à faire évoluer ce grand «bordel pensant».

L’art contemporain comme vecteur de message politique

Une autre œuvre principale émeut par son rapport à l’actualité. Celle de l’artiste belge Francis Alÿs. Dans cette partie du manège, l’artiste aborde le thème de l’immigration avec une dimension presque enfantine. Une vidéo met en scène deux groupes d’enfants placés en file dans la mer, portant à la main des bateaux-chaussures. Des enfants marocains d’un côté, des enfants espagnols de l’autre. Le premier groupe regarde en direction de l’Espagne, l’autre en direction de l’Afrique. Une scène qui symbolise la rencontre des cultures. Dans une autre salle, une longue table en verre présente des dessins et des articles de presse de 2006, 2008 et de 2015 traitant des migrants qui fuient sur des bateaux. « Le thème de l’immigration a été suggéré, mais nous ne pensions pas coller autant à l’actualité. C’est une malheureuse surprise. Cela affecte vraiment le public. Mais cela permet au moins de donner des pistes de réflexion face à l’actualité », rapporte Charlotte Friling, cocuratrice de l’exposition. Le deuxième bâtiment contient quant à lui des œuvres moins imposantes, mais tout aussi chargées de sens avec comme support le dessin, la photographie, la sculpture et différentes disciplines qui composent l’art contemporain. Parmi elles, celle du photographe belge Vincen Beckman avec son œuvre Intime qui capture le quotidien d’une famille de la région du Borinage et qui pose un regard qui s’étend au-delà des clichés et des préjugés.

Entre naïveté et réalisme

A priori, en observant cet « Atopolis », on frôlerait la naïveté à l’état brut. Charlotte Friling ne le nie pas, mais elle nuance: « Plus que de vouloir donner une réponse, on pose plutôt des questions. Francis Alÿs illustre bien l’esprit de l’exposition dans sa globalité. Les œuvres sont à première vue parfois simplistes, poétiques et ludiques, mais on ne peut nier le message politique fort et dur des œuvres.« 

L’exposition est indéniablement à caractère politique grâce notamment aux artistes, eux-mêmes, engagés dans leurs œuvres. Des idées sont, certes, véhiculées, mais certainement pas imposées. Car les œuvres participatives permettent aussi au public de s’exprimer. Le public n’a plus simplement un rôle contemplatif, mais il peut laisser une trace et exprimer sa créativité. Chaque artiste propose un angle différent d’ « Atopolis ». Dans leur travail singulier, les œuvres forment ensemble une pluralité de villes idéales. L’égalité, le respect de l’Autre, le croisement des cultures s’unissent pour former un tout cohérent et possible. Finalement, chaque artiste arbore la question du vivre ensemble sous différentes formes, mais c’est toujours au public de s’approprier le message. En parcourant « Atopolis », vous risquez d’être émus, touchés, frustrés de ne pas comprendre certaines œuvres, mais, quel que soit votre sentiment elle vous atteindra, car nous rêvons tous d’une « Atopolis ».