Espace de libertés – Octobre 2015

Le pacte d’excellence: des constats pour quelles actions à venir?


Dossier
Comme annoncé au lendemain des élections de juin 2014, le pacte pour un enseignement d’excellence en FWB a été lancé en grande pompe en janvier 2015. Conférences, site interactif, consultations diverses, mise en route de groupes de travail. Avec deux petits mois de retard sur le calendrier très serré prévu initialement, le pacte reprend ses travaux en cette rentrée scolaire. Petit retour en arrière et décorticage du processus.

Conçu comme une grande consultation sur l’enseignement (1), le pacte est supposé aboutir en juillet 2016 à une définition des nouveaux objectifs et missions de l’école du XXIe siècle. La première phase s’est clôturée en juillet dernier par la présentation au gouvernement d’un rapport de synthèse reprenant les principaux résultats des deux premiers groupes de travail.

Le premier groupe, composé d’universitaires, de représentants des pouvoirs organisateurs, des parents, de l’associatif… a eu pour mission de dresser un état des lieux de la situation actuelle de l’enseignement. Dans ce groupe, les participants ont alimenté, à partir de leurs ressources, une base de données articulée selon les quatre axes thématiques du pacte (savoirs et compétences, parcours de l’élève, acteurs et gouvernance). Le deuxième groupe, composé de manière similaire, s’est penché sur le sens, les valeurs, les objectifs et missions de l’école du XXIe siècle (2).

État des lieux

Les constats dressés par ce premier groupe de travail ne sont pas neufs, à quelques exceptions près. La nouveauté, c’est que le gouvernement s’est adjoint les services de la Mc Kinsey Company, fameuse boîte de consultance internationale spécialisée dans les questions de management. Pour le coup, et sans entrer dans la polémique, Mc Kinsey a eu accès à des données qui étaient jusque-là totalement confidentielles. Pas étonnant donc que son rapport révèle certaines nouveautés. Désormais accessible au public (3), il confirme d’abord des choses bien connues: un enseignement profondément inégalitaire et pas très performant (4), des taux de redoublement record (48% des élèves ont redoublé au moins une fois à 15 ans contre 12% pour la moyenne de l’OCDE), des élèves de faible niveau socio-économique très largement surreprésentés dans le qualifiant et dans le spécialisé, un fort taux d’abandon de la carrière enseignante dans les cinq premières années, la faiblesse de la formation initiale et du niveau de maîtrise du français par les futurs enseignants…

D’autres constats sont moins habituels. Ainsi en est-il de l’inégale répartition socio-économique des élèves entre les réseaux d’enseignement, les bassins de vie et les filières corrélée à des taux de performance variables. Un autre élément interpellant: la paupérisation croissante de la population scolaire ces dix dernières années qui se marque en particulier dans les grandes villes et qui se superpose à une forte croissance démographique et une baisse du niveau de maîtrise du français par les élèves.

Cet état des lieux n’entame pas, semble-t-il, l’optimisme de la ministre: « Il ne faut pas partir d’un constat catastrophiste, qui méprise les acteurs et considère collectivement le monde de l’enseignement comme un ensemble de nains de jardin complètement incompétents. Nous avons d’énormes défis. Et des faiblesses. Mais plus de 50% de nos établissements sont bons à très bons, voire excellents. Notre gros souci, contrairement à des pays à la sociologie semblable, c’est que les élèves à indice socio-économique faible ratent en proportion beaucoup plus qu’ailleurs. » On le voit, le pacte fait face à d’énormes défis.

Définition des objectifs et des priorités

Sur la base des travaux de la 1re phase, le groupe central a rédigé une synthèse qui reprend les principaux constats et définit surtout certaines prospectives. Parmi celles-ci, bon nombre des revendications du Centre d’Action Laïque se retrouvent: la marche progressive vers la gratuité, la remédiation et les devoirs dans l’espace/temps scolaire, le renforcement de la collaboration entre tous les acteurs (en ce compris les parents), la remise en cause de la durée du tronc commun vers un allongement, la lutte contre le redoublement, le renforcement de la formation initiale des enseignants, le renforcement de la formation citoyenne des élèves, l’éducation aux médias, l’' »initiation à la pensée critique et complexe »… D’autres priorités de la laïcité sont par contre complètement absentes, dont évidemment la question du maintien des réseaux et du caractère confessionnel d’une bonne moitié de l’enseignement financé par les pouvoirs publics.

Pour la suite des travaux, phase 3, c’est au gouvernement de fixer les objectifs prioritaires sur la base de cette synthèse. Cela étant, c’est sans doute surtout la ministre qui définira ces priorités comme elle l’a déjà annoncé dans la presse début septembre: « Dans les semaines qui viennent, nous allons lancer vingt thématiques clés. » Des différentes sorties dans la presse, on pressent que parmi ces priorités se trouveront: la formation des enseignants, le soutien des enseignants en début de carrière, le métier de directeur, le pilotage, l’articulation entre les filières professionnelles et le monde de l’emploi, la citoyenneté, l’enseignement maternel, l’encadrement différencié ou encore la lutte contre le redoublement.

La phase 3 pourra alors démarrer à travers une série de groupes de travail réunis autour de ces thématiques. On nous promet une consultation encore plus large que dans la première phase. Peut-être aussi pour répondre à la critique de ceux, comme le sociologue Bernard Delvaux, qui reprochent au processus de ne pas intégrer les acteurs de terrain, entendez surtout les enseignants.

 


(1) Afin de ne pas alourdir ce texte d’une présentation de l’architecture complexe du pacte, nous renvoyons le lecteur au site www.pactedexcellence.be.

(2) Les lignes de force dessinées par ce deuxième groupe sont présentées dans l’article de Véronique de Thier, en pages 35-37.

(3) Tous les travaux du pacte, en ce compris le rapport Mc Kinsey, sont disponibles sur www.pactedexcellence.be

(4) La performance étant évaluée par Mc Kinsey par une équation entre efficacité, équité et efficience: l’efficacité évalue la capacité à former et diplômer les élèves, mais également des dimensions non académiques; l’équité évalue si cela se fait de manière équilibrée dans les différentes strates de la population; l’efficience compare l’investissement en capital humain et financier aux résultats obtenus.