Espace de libertés – Octobre 2015

Coup de pholie

Alors bonjour, je suis ce ça-là, ce ce-qu’il-faut, ce ce-qu’il-TE-faut. Je t’ai choisi, tu m’as choisi. Comment ça commence, est-ce vraiment un choix? On s’en fout. C’est ici maintenant qu’on se rencontre, au milieu de tous, de tout: coup de foudre immédiat. Je suis objet ou sujet, absolue nécessité dans certains milieux, paradigme de l’obsolescence programmée ailleurs, résultat insolent d’un progrès sans limites là. On me nomme de la meilleure ou de la pire façon selon les catégories bien-pensantes ou mortifères, selon le moment, la période, l’époque, l’état des lieux, l’état du porte-monnaie, l’état de conscience. Je suis changeant, polymorphe et pluriel, mais je persiste, je suis ce qu’il TE faut. Ce truc dont tu n’avais vraisemblablement pas soupçonné l’utilité, voire l’existence, mais qui s’impose à toi. Émergeant du rien, je deviens indispensable, fondateur de ton bien-être authentique. Telle une intraveineuse de confort, telle une dose de vérité originelle, je suis le shoot de dopamine qui augmente ta vie, ton corps, tes hormones, ton esprit, ton rôle.

Bonjour, je te redis, je suis ce qu’il TE faut. Le bonheur est là, en moi, pour toi. Oui, ça t’arrive là, aujourd’hui, pas trop tôt hein? Pas trop tard. Réjouis-toi. Fais risette. Saute en l’air. Te voici confronté à ce que tu n’avais pas, à ce que la majorité d’entre les autres n’ont pas, ou s’ils l’ont, ce n’est pas comme toi. Toi et moi, là, sans conséquence. Réjouis-toi bien profond de me posséder, avec peu d’efforts (finalement), moins qu’un sacrifice (finalement), peut-être un crédit par ci, une petite folie par là.

On n’a qu’une vie, c’est ici et c’est moi qui te le dis, cette vie, c’est toi qui la dessines. Tu sens ce pouvoir, cette puissance? Ceux qui ânonnent qu’ils n’ont pas besoin sont ignorants puisqu’ils ne m’ont pas, ils n’appréhendent pas qu’ils n’ont pas (ne désirent pas) cette expérience d’avoir. Je les soupçonne de résister au désir, au plaisir de posséder sans autre lieu que la possession. Tu la goûtes, cette expérience? Cette gratuité de l’instant s’accomplissant dans l’ayant, dans la mise à disposition de ce qui n’est utile qu’à tes yeux? Assume. Oublie. Je suis une sorte d’émancipation, je te sors de la masse des démunis et des ascètes, des solidaires rabougris unis dans l’idée que je suis de trop, trop vertical, trop fulgurant, non? Depuis quand l’Éros n’aurait plus lieu d’être? Tes désirs sont infinis, toi seul sais ce qu’il te faut aujourd’hui, quand bien même tout sera obsolète demain. Carpe diem. Vis tes choix, vis cette urgence, alimente ta liberté. C’est toi, ici et maintenant, comme et quand tu veux. Et moi guide, moteur, symbole. Notre devise: le vouloir mène à l’avoir et l’avoir, c’est l’avenir.