« Parmi les mutations et les défis complexes qui caractérisent la société, certains engendrent l’apparition d’enjeux essentiels pour l’école du XXIe siècle et permettent d’identifier les directions qui devraient présider à une refondation de l’école –en interrogeant son rôle– et de redéfinir le sens et les fonctions qu’elle devra désormais jouer à l’égard des jeunes. Les dimensions de qualité, d’équité et d’efficience du système scolaire devront dans ce cadre guider notre action. » (1)
La première phase du pacte pour un enseignement d’excellence a été consacrée à la mise en place de deux groupes de travail. Le premier était destiné à dresser un état des lieux de la situation actuelle de l’enseignement, le second à une définition du sens, des valeurs, des objectifs et missions de l’école du XXIe siècle. En tant que chargée de mission à la Fédération des Associations de Parents de l’Enseignement Officiel, j’ai été invitée à participer à ces deux groupes de travail ainsi qu’au groupe central. Je me limiterai ici à présenter quelques orientations définies dans le groupe « sens et valeurs ».
Ce groupe s’est attaché à définir une vision prospective pour l’école en regard des évolutions sociétales majeures (révolution numérique, modification et diversification des structures familiales, multiculturalité, mondialisation…). Les participants ont pour l’essentiel tenté d’identifier les contours d’une école qui soit vraiment émancipatrice et équitable. Par ailleurs, la réflexion a été déclinée en trois questions: quels sont les enjeux essentiels pour l’école du XXIe siècle? Quels sont les visées et les objectifs poursuivis? Par quelles voies les atteindre? Les travaux de ce groupe ont abouti à un rapport qui foisonne de pistes pour refonder l’enseignement (2). À ce stade, nombre des priorités mises en avant dans ce groupe rejoignent les revendications de la FAPEO.
Gommer les inégalités
En toile de fond, la lutte contre les inégalités est une priorité absolue pour l’ensemble des acteurs consultés, même s’il n’y a pas unanimité sur les moyens. Par exemple, le débat sur la régulation des inscriptions et la mixité sociale a suscité la polémique sans vraiment aboutir à une position collégiale. Néanmoins, on peut lire dans le rapport qu’il faut « rompre avec la logique en cascade qui hiérarchise non seulement les établissements, mais aussi les formes d’enseignement et les filières » (3). Une attention particulière est aussi portée à l’enseignement spécialisé qui ne doit plus servir de filière ultime de relégation et revenir à sa vraie mission, celle d’accueillir des élèves dont le handicap nécessite un accompagnement pédagogique et éducatif spécifique.
La lutte contre les inégalités est une priorité absolue pour l’ensemble des acteurs consultés.
Dans le même ordre d’idée, il y a une belle unanimité pour s’accorder sur la nécessité d’un renforcement d’un tronc commun polytechnique. Par contre, les avis divergent sur l’allongement de ce dernier. Le rapport met en évidence que l’allongement du tronc commun présenterait des opportunités « notamment la meilleure maîtrise des savoirs fondamentaux par un plus grand nombre d’élèves; l’assurance des citoyens et futurs travailleurs, quelles que soient leurs filières de spécialisation ultérieures, de posséder un bagage initial ambitieux et conséquent; une contribution à la lutte contre les inégalités sociales et culturelles de parcours scolaire en permettant le recul du choix de filières; et à la lutte contre la logique en cascade et la hiérarchisation informelle des filières » (4).
La question de la gratuité, facteur d’inégalités, est elle aussi mise en avant avec, en filigrane, la question du financement des établissements. En conclusion, le groupe défend une gratuité réelle et complète tant pour les frais scolaires que pour les activités culturelles ou parascolaires.
La question de la citoyenneté a très largement été développée dans le rapport. On observe un large consensus sur la nécessité, d’une part, de la pratique de la citoyenneté et de la démocratie au sein de l’école et, d’autre part, sur un enseignement spécifique de savoirs et de savoirs-être indispensables à l’exercice de cette citoyenneté. Il existe un dissensus évident entre les acteurs sur les moyens: pour les uns, dont la FAPEO, il faut un cours spécifique tandis que pour les autres l’acquisition de ces savoirs et compétences spécifiques peut se faire de manière transversale.
Il est préconisé de revoir les rythmes scolaires non seulement en fonction des rythmes d’apprentissage qui peuvent varier d’un enfant à l’autre, mais aussi en fonction des courbes circadiennes d’attention, de l’âge et de la capacité physique des enfants. Cette révision organisationnelle de la journée pourrait permettre de rapatrier le travail personnel au sein des écoles.
Le groupe suggère de donner plus de place à la culture et à la créativité au sein des apprentissages scolaires. Il préconise une éducation à la culture et à la créativité de manière transversale afin de « permettre à tous les élèves de s’approprier un patrimoine culturel et de rencontrer des œuvres de culture; de sensibiliser et initier les élèves aux processus de création et d’expression artistique, sous toutes ses formes et dans toutes ses dimensions –y compris techniques; de faire acquérir aux élèves des compétences critiques de décodage de l’image et des faits artistiques » (5).
Un chantier gigantesque et ambitieux
Bien d’autres points sont abordés dans le rapport tels que la transition numérique, la formation des enseignants, l’importance de parer à l’ennui de l’élève, la nécessité d’un dialogue parents/école, l’autonomie et la responsabilisation des acteurs, l’enseignement maternel, le rapport aux savoirs, la pensée complexe et critique… Cela étant ne sera retenu qu’un certain nombre de ces pistes sous forme de priorités qui baliseront les futures phases de travail du pacte. Or, il nous semble que c’est l’ensemble des propositions qui devraient être retenues pour atteindre une véritable refondation de l’école. Ce n’est pas cette optique qui a été retenue… Si globalement, nous nous reconnaissons dans ces pistes, il n’en reste pas moins que nous ne pouvons pas adhérer aux multiples références au monde de l’entreprise ainsi qu’à l’insistance à ouvrir à la diversité des métiers dès le plus jeune âge! Nous continuerons à participer activement au processus du pacte en défendant nos valeurs pour une école émancipatrice.
(1) Rapport de synthèse du groupe central, 1er juillet 2015, p. 1.
(2) Voir le site www.pactedexcellence.be
(3) Rapport de synthèse du groupe central, op. cit., p. 17.
(4) Ibid., p. 16.
(5) Ibid., pp. 8-9.