Espace de libertés – Novembre 2017

Col blanc et cuivre rouge


Des idées et des mots

Le juge d’instruction Michel Claise est comme un aigle à deux têtes. Avec la première, il traque les criminels en col blanc, lesquels détruisent le tissu économique et détricotent la démocratie à coup de profits illégaux. Avec la seconde, il cherche sa propre vérité, notamment dans les méandres de la fiction et de la philosophie. C’est elle qui est à l’œuvre dans ce dernier roman qui est déjà son huitième.

L’intrigue se résume en quelques mots: Jorge, un jeune Chilien à l’avenir prometteur se voit confier par le président Salvador Allende la mission de remettre personnellement à Fidel Castro une précieuse mallette. L’affaire pourrait paraître anodine si l’action de départ ne se déroulait pas le 11 septembre 1973, quelques heures à peine avant l’assaut du palais présidentiel par des militaires factieux aux ordres d’un certain Pinochet. Un commissaire de police particulièrement tenace est chargé de mettre la main au collet du fuyard. La poursuite ne s’arrêtera qu’avec le passage en Bolivie de Jorge qui, par la suite, obtiendra l’asile politique… en Belgique. (Quant au contenu de la mystérieuse mallette et au fait de savoir si Castro l’a bien reçue, eh bien, il faudra lire le bouquin pour en avoir le cœur net.)

La cavale fait parfois songer à celle que le cinéaste Pablo Larrain a mis en scène dans Neruda, sorti l’année dernière. Mais la comparaison s’arrête là car, à l’inverse de Neruda, le héros du roman de Michel Claise est arrêté lors d’un contrôle routier et interné dans une ancienne mine de salpêtre perdue dans le désert d’Atacama où les militaires torturent et exécutent à tour de bras. L’intrigue prend alors une autre dimension, d’autant qu’elle est soigneusement documentée sur base de témoignages de première main.

C’est ici que l’auteur abat son jeu: loin d’être une simple historiette divertissante, son roman est d’abord un hommage appuyé à ceux qui avaient choisi de rester dèles à la démocratie en refusant la dictature militaire. Mais, outre un réel amour pour le Chili, ses populations, ses paysages, sa culture (et son vin!), on retrouve probablement ici l’un des traits de caractère les plus remarquables de Michel Claise qui n’aime rien tant que briser des lances contre les injustices d’où qu’elles viennent. À visière relevée, sans peur et sans reproche. (JPH)