En Belgique, près de 12.000 enfants ont un parent en prison. Derrière ces situations de souffrance, il y a heureusement des moments de bonheur grâce aux rencontres organisées entre les enfants et le parent emprisonné. Soigner le lien pendant la détention est important et permet de mieux envisager l’après.
« Ciao, chef! À dans un mois… », lance Didier à son fils Nicolas, 14 ans, avant de retrouver sa cellule au sein de la prison d’Andenne. Un mercredi par mois, père et fils parlent de tout, en tête à tête. « C’est très spontané », admet Didier. « L’école, les amis, les loisirs, tout y passe… Je vois Nicolas grandir. Comme n’importe quel père… » Pendant une heure, la vie redevient normale, même à l’intérieur d’une prison, « milieu qui n’est pas fait pour les enfants, poursuit Didier. Ce n’est pas comme si j’étais dehors, mais j’ai l’impression de revivre au contact de mon fils. Ses visites, je les attends avec impatience. »
Quand ils viennent, je me sens plus libre.
Rien ne vaut une visite
Voilà un an que Nicolas et son père se revoient. « On ne s’est pas vus pendant quatre ans », explique le garçon. « On se téléphonait parfois, on a essayé de s’écrire aussi, mais cela ne vaut pas une heure de visite. » L’adolescent se sent mieux dans sa peau depuis ces retrouvailles. « Cela fait du bien de se revoir », confie-t-il. « Je peux lui poser des questions sur sa vie, sur notre famille. J’ai besoin de connaître son histoire et lui peut parler de son quotidien en prison. Même si les rencontres sont courtes, cela permet d’avoir une vraie relation… » Quand ils se voient, Didier et Nicolas se retrouvent dans une salle dédiée à l’accueil des enfants. Ces visites se font sous l’œil d’Anthony, le psychologue du Relais Enfants-Parents: « On prend volontairement une position de retrait pour laisser la place au parent. »
Dehors, dedans, dehors
À côté de cet accompagnement, Annie et Ana, deux volontaires de la Croix-Rouge, amènent Nicolas à la prison d’Andenne. Il faut dire que la route est longue: plus d’une heure de voiture entre le domicile de l’adolescent et l’établissement pénitentiaire. « Les voyages sont parfois plus longs que la visite elle-même, reconnaît Annie. Chaque mercredi, c’est une course contre la montre. Il est déjà arrivé lors de missions avec d’autres enfants de manquer la visite pour quelques minutes de retard. Il suffit de travaux ou d’un accident. Certaines prisons sont plus sévères que d’autres. » Malgré les difficultés, il y a toujours la satisfaction de voir l’enfant heureux en sortant de la rencontre avec son père ou sa mère. « Le plus beau compliment qu’on peut nous faire, c’est quand l’enfant nous dit que son parent nous remer- cie, ajoute Ana. Il y a chaque fois le sentiment de se sentir utile, en permettant à des enfants de rendre visite à leur parent en prison… » Les deux femmes participent au programme Itinérances qui permet à 254 enfants (soit 175 familles) de rendre visite à leur parent détenu. Le projet compte 250 volontaires.
Sans Itinérances, Nicolas ne pourrait pas voir son père. Outre la distance, sa mère, Catherine, n’a pas les moyens ni la santé pour l’accompagner. « De cette manière, je sais avec qui part Nicolas et l’enfant sait avec qui il est. Il ne stresse pas avant la rencontre en prison parce qu’il y a cette présence rassurante, grâce à des volontaires compréhensifs qui ne vous jugent pas. » Catherine voit surtout son fils revenir content de la rencontre avec son père. « Depuis un an, mon fils se sent mieux. Le fait de voir son père l’a rassuré. Il se sentait abandonné. Cela l’apaise de le rencontrer régulièrement désormais. Sans la Croix-Rouge, il l’aurait vu une fois par an, pas plus. »
S’échapper du quotidien de la prison
C’est aussi grâce à Itinérances que Michel voit ses deux enfants, Aline (4 ans) et Gaspard (6 ans). « S’il n’y avait pas la Croix-Rouge, je ne les verrais pas. Je n’ai personne pour les amener. » Ce père, incarcéré à Saint- Hubert depuis trois ans, retrouve ses enfants une fois par mois. « On joue à des jeux de société, on construit des cabanes… Des jeux d’enfants, en somme. Quand ils viennent, je me sens
plus libre, témoigne-t-il. Quand je suis entré en prison, j’étais nerveux parce que je n’arrivais pas à les voir ou à les entendre au téléphone. J’étais sans nouvelle… » C’est grâce au service d’aide sociale aux détenus et à son assistante sociale, Ophélie Bourguignon, que les rencontres ont pu être organisées entre Michel et ses enfants. « Pour les enfants, ce contact est important. Leur père reste présent, malgré la détention. Ils peuvent lui poser des questions, comprendre sa situation… On garde cette relation et même on la recrée parce que certains enfants n’avaient plus de contact avec leur parent. Pour un père, la visite des enfants est une bouffée d’oxygène. »
S’effacer, pour le bien-être de l’enfant
Même si ce n’est pas toujours un choix simple à prendre à l’extérieur par la mère des enfants, Noémie a décidé de permettre à Nora, sa petite fille de trois ans, de retrouver son père, détenu à la prison de Saint-Gilles depuis le mois de mars. Au début, elle était réticente. Elle ne souhaitait tout simplement pas que sa fille aille en prison. Pour cause, Noémie a, elle aussi, enfant, rendu visite à sa mère incarcérée. « Je ne voulais pas revivre la même situation. Enfant, je me sentais abandonnée par ma mère et je lui en voulais d’être en prison. Mais je me suis rendue compte que ma fille était triste de ne pas voir son père. C’est pour cela que j’ai essayé qu’ils se voient et qu’ils avancent ensemble malgré les erreurs. » Au départ, Noémie allait avec sa fille voir son père. Depuis quelques mois, Nora y va seule, un mercredi sur deux, avec le Relais enfants-parents pour éviter les tensions entre adultes. « Je préfère qu’ils aient un moment à deux, qu’ils en profitent pour jouer. C’est très important pour elle d’avoir cette complicité. »