Espace de libertés – Novembre 2017

Des idées et des mots

« La paresse, c’est bien, beau, tof […], bon. La paresse est agréable, participe à une vie bonne. » C’est ainsi que Michel Majoros, historien namurois, conclut son dernier livre, un petit essai consacré à l’un des plus fameux textes de l’histoire du socialisme: Le Droit à la paresse du Français Paul Lafargue. Pour celui qui, médecin et militant politique, fut aussi le gendre de Karl Marx, cette « étrange folie (qui) possède les classes ouvrières » – le travail – serait d’abord et avant tout une croyance quasi religieuse. Lafargue considérait que le culte rendu au travail à son époque (fin XIXe siècle) était un mangeur d’hommes qui « consomme les salariés (et) transsubstantie en capital divin la vie chétive du travailleur ». Un Dieu, enfin, qui « dépouille de son intelligence et de son habileté de main et les transporte aux machines, qui ne se révoltent pas ». À l’heure où un président français n’hésite pas à accabler publiquement « les fainéants», ce texte aux accents anarchistes prononcés prend une saveur encore plus particulière. Cependant, Michel Majoros précise que, bien loin d’être une ode nihiliste à la fainéantise crasse, Le Droit à la paresse est une affirmation du caractère libérateur de la réalisation d’une œuvre, en opposition à l’abrutissement du travail industriel, c’est-à-dire au boulot aliénant, au « gagne-pain » sans autre perspective que celle d’un recommencement ad nauseam jusqu’à ce que retraite, burn-out, suicide ou maladie s’en suivent. L’actualité du propos saute aux yeux. Quant à Lafargue, il imaginait une société où le temps de travail serait réduit à un maximum de trois heures par jour, le reste étant dévolu aux machines. Visionnaire ou doux rêveur? Aujourd’hui, comme le remarque Majoros, « le droit à la paresse n’est pas nécessairement revendiqué sous ce nom ni par des mouvances de gauche ni laïques » et, ajoutons- nous, c’est peut-être un peu dommage. (JPH)