Espace de libertés – Février 2015

L’autonomie, maître mot de l’école idéale


Libres ensemble

Chaque élève doit pouvoir atteindre le niveau le plus élevé de ses potentialités au terme de ses 12 ans de scolarité obligatoire. La réussite de la mutation pédagogique requise pour y arriver est à notre portée: elle ne requiert pas de moyens supplémentaires, elle nécessite de se rassembler en un réseau public unifié d’écoles autonomes, tendues vers un objectif commun, et d’agir avec audace, conviction, volonté et persévérance.


D’abord, il y a les constats. Un: le taux moyen de redoublement reste anormalement élevé. Deux: la concurrence entre les écoles n’a pas pour conséquence d’élever le niveau de l’enseignement, mais elle aboutit, au contraire, à la dispersion de moyens. Trois: le niveau moyen des élèves, tous niveaux d’enseignements confondus, reste anormalement bas.

L’objectif, bien que l’unification [des réseaux] doive se faire dans le respect des principes de neutralité, n’est pas de priver les établissements de leur autonomie.

Ensuite, il y a les propositions. Celles du Cedep, le Centre d’étude et de défense de l’école publique (1). Elles sont au nombre de dix-huit, dont certaines presque coperniciennes, même si pas forcément inédites. Parce que, estime le Centre, pourtant à la manœuvre pour insuffler le changement et l’amélioration, le politique fait montre d’une certaine frilosité, préférant le catalogue d’intentions à une réforme globale nécessaire du système éducatif. L’objectif maintes fois ici déclaré se confond pourtant avec celui du Cedep: rendre l’enseignement plus égalitaire et plus performant.

Pour le Cedep, la voie pour y parvenir, c’est le réseau scolaire unique et public qui, seul, permettrait une véritable coopération entre élèves, enseignants et écoles, une véritable «mise en commun des ressources humaines et matérielles dans le cadre d’un service public». Ce réseau unique implique que soit «aboli le caractère confessionnel de l’enseignement privé au profit des principes de neutralité déjà imposés dans l’enseignement officiel». Un cours commun, obligatoire, éveillerait l’écolier à la démarche philosophique et à la citoyenneté, tandis que la fréquentation des cours de morale et de religion serait facultative. L’enseignement serait par ailleurs gratuit et cette gratuité s’étendrait à toutes les prestations. Le financement public presque intégral des différents réseaux (2) supposerait en effet qu’ils aient une vision d’ensemble partagée et suivent des règles communes et une unité d’action.

Méthodes pédagogiques et gestion

Pour réussir cette réforme, le Cedep recommande de rassembler toute l’expertise professionnelle disponible en Fédération Wallonie-Bruxelles au sein d’un Centre pédagogique communautaire qui aurait une triple mission: le pilotage pédagogique de l’enseignement obligatoire, l’élaboration d’un projet éducatif commun et l’organisation de la formation initiale et continuée des enseignants et chefs d’établissements. Il serait constitué d’un Conseil de l’enseignement communautaire composé de représentants élus par et parmi des membres parents, par et parmi des membres enseignants et de représentants désignés par les universités, les hautes écoles et les instituts de promotion sociale. L’objectif, bien que l’unification doive se faire dans le respect des principes de neutralité, n’est pas, selon le Cedep, de priver les établissements de leur autonomie. Encore faut-il préciser de quelle autonomie on parle. Si les référentiels de savoirs et de compétences (avec chronologie des apprentissages) –de même que les programmes de leur mise en œuvre– doivent être l’apanage du Centre pédagogique communautaire, qui les soumettrait à l’agrégation de la Fédération Wallonie-Bruxelles, les méthodes pédagogiques restent celui des écoles; lesquelles bénéficieraient aussi d’une autonomie de gestion des frais de fonctionnement (achat de matériel…) et du personnel ouvrier (entretien, réparation…). Le Cedep imagine une gestion qui, pour chaque établissement, serait assurée par un conseil d’administration composé du chef d’établissement (l’»exécutif») et de représentants d’enseignants, de parents et d’élèves, mais aussi des milieux socioéconomiques ainsi que du pouvoir organisateur.

La soif d’apprendre plutôt que la peur de l’échec

En ce qui concerne précisément le pouvoir organisateur, le Cedep, propose, là aussi, une refonte. Actuellement, suivant les réseaux, on distingue plusieurs types de PO: la Fédération Wallonie-Bruxelles elle-même, les provinces, les communes ou la Cocof, les ASBL, les diocèses, les congrégations religieuses… Il s’agirait, ici, que ce soit en matière de pédagogie ou de recrutement, de «trouver le compromis entre proximité et impartialité». À condition qu’elle n’exerce pas de compétences pédagogiques, la commune serait, estime le Cedep, le pouvoir organisateur le mieux placé pour une gestion de proximité. Sur une échelle plus large, il imagine des groupements de communes ou des zones scolaires.

L’objectif étant, on l’a dit, d’améliorer le niveau des élèves, il importe, en parallèle à une refonte organisationnelle, de renforcer la qualité de l’enseignement. Cela passe, à la fois par la revalorisation de la profession, en la rendant attractive sur le marché de l’emploi, et par le renforcement de la formation de l’enseignant. À cet égard, le Cedep plaide pour que tous soient titulaires d’un master –il n’est exigé que pour le secondaire supérieur– à l’issue de leur formation initiale, laquelle serait organisée par le Centre pédagogique communautaire, destiné à devenir le «moteur de la transformation et de l’unification du système scolaire». L’allongement des études suppose une refonte des contenus de la formation et permettrait notamment d’approfondir les techniques pédagogiques, le travail en équipe et la relation famille-école.

Car, insiste-t-on «les parents ne peuvent pas être ignorés dans ce processus»: «un véritable partenariat parent-école doit être mis en œuvre» pour que «la soif d’apprendre» se substitue à «la peur de l’échec». Le Cedep émet une série d’autres propositions qui doivent participer de ce changement de paradigme, comme tendre vers la suppression du redoublement –son coût est évalué à 400 millions d’euros par an en FWB qui pourraient être injectés dans des politiques de remédiation immédiate – ou instaurer un tronc commun jusqu’à la fin du 2e degré (4e secondaire), pour éviter une orientation précoce et la relégation vers des filières inadaptées.

Le Cedep recommande l’élaboration d’un projet de décret-cadre –son vote au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles permettrait de réaliser la transformation du système éducatif– qui déterminerait l’ensemble des principes de la réforme et créerait le Centre pédagogique communautaire. Selon le Cedep, des exemples, à l’étranger, indiquent qu’un délai de 10 ans, après le vote d’un tel texte, suffit à réaliser cette transformation et cette unification.

 


(1) Le Cedep est constitué de douze associations représentant des pouvoirs organisateurs, des enseignants, des parents et des sympathisants de mouvements laïques.

(2) Il existe aujourd’hui l’enseignement officiel (Fédération Wallonie-Bruxelles et officiel subventionné) et l’enseignement libre (confessionnel et non confessionnel).