Pour quelle raison les baleines viennent-elles échouer si souvent sur nos côtes? En auraient-elles assez de vivre dans les océans pollués par nos soins et nos besoins irréfléchis, consuméristes et collapsogènes? Préfèrent-elles le suicide à une pâle survie en des eaux devenues hostiles? Prophétesses des temps prochains, nous annoncent-elles je ne sais quel cataclysme? Les oracles antiques n’y auraient pas vu un signe de bon augure et il m’est difficile de ne pas leur prêter une oreille attentive. Il est vrai que je suis d’un naturel pessimiste, mais vu que l’optimisme est habituellement talonné par la déception, sa petite sœur éplorée, j’estime qu’être pessimiste aide à vivre ou à survivre sans trop verser de larmes. L’eau des océans et des fleuves, l’air que nous respirons, la pluie qui arrose le sol dont nous tirons les produits qui nous sustentent, tout est gravement pollué par notre civilisation productiviste et subséquemment écocide. Voilà peut-être le message que les baleines viennent nous livrer en échouant sur nos plages: le chemin que vous suivez aveuglement, vous autres bipèdes humains, mène à votre déclin.
En tout état de cause, il semble bien que nous laissions à nos descendants une poubelle en guise de planète. Gageons que la nature aura le dernier mot en nous rappelant que la Terre ne nous appartient pas mais que nous lui appartenons. Elle pourrait se débarrasser avec une souveraine indifférence, ou plutôt même avec soulagement, des hôtes inopportuns que nous sommes devenus depuis la maléfique révolution industrielle. Nous ne serions pas la première race à sombrer dans le néant, les dinosaures ne me contrediront pas. Malheureusement, il est peu probable que nos restes fossilisés soient exposés dans le musée des sciences naturelles de je ne sais quelle civilisation à venir. Encore que. Qui sait?
D’aucuns prédisent un effondrement généralisé. Cette perspective a d’ailleurs donné naissance à la collapsologie, réflexion sur le big lapsus d’une civilisation autodestructrice ou, pour le dire autrement, sur l’incontestable dégradation de la biodiversité et les catastrophes écologiques qui se préparent à l’échelle mondiale.
Il faut croire que l’Homo Sapiens n’est pas si Sapiens qu’il veut le clamer. Après tout, c’est lui-même qui s’est affublé de cet adjectif élogieux: « sage, intelligent ». Se serait-il ainsi autoproclamé prématurément et présomptueusement, sans avoir encore fait ses preuves? Par malheur, l’accès à la conscience qui caractérise le genre humain ne s’est guère accompagné de bon sens. Il y a donc de fortes chances que nous subissions le même sort que les dinosaures. L’humanité collapsera par manque de discernement, à moins qu’elle ne devienne Sapiens. Et pourtant, les baleines nous avaient prévenus.