De nos jours, ce nom ne dit sans doute plus grand-chose. C’est dommage car ce philosophe néo-platonicien fut probablement l’un des penseurs les plus originaux de tous les temps. Sa période fut pourtant la pire de toutes pour Byzance.
Assiégé depuis des dizaines d’années par les Turcs ottomans, ce qui restait du brillant empire était alors réduit à la ville de Constantinople et à quelques possessions résiduelles en Grèce. Mais ces péripéties n’empêcheront pas notre Pléthon – un pseudonyme inspiré des noms de Plotin et Platon – de marquer l’histoire de la pensée en renouvelant l’approche qu’on faisait alors de Platon.
L’originalité de ses positions lui vaudra de sérieuses menaces et il devra s’exiler en catastrophe. Mais dans les années 1420, le danger turc pousse l’empereur Jean VIII Paléologue à partir pour l’Europe pour y implorer en personne le secours de ses coreligionnaires. L’aide des chrétiens d’Occident se heurte à une condition de taille: mettre fin au grand schisme d’Orient, reconnaître la primauté du Pape de Rome sur les autres patriarches et, surtout, adopter le credo latin. Le prix était exorbitant mais c’était une question de vie ou de mort.
Toute honte bue, l’empereur fit en sorte que la délégation orthodoxe qu’il avait emmenée accepte le marché. Seuls quelques irréductibles, dont Pléthon, refusèrent de se plier à la raison d’État. À Byzance, alors même que le Turc campait au pied des vénérables murailles, le peuple et une bonne partie du personnel religieux orthodoxe ne décoléraient pas contre l’empereur qu’ils accusaient d’avoir vendu son âme au Pape.
Mais le séjour de Pléthon en Italie fut l’occasion pour l’immense savant byzantin de rencontrer ses confrères européens et de prendre part à d’intenses débats théologiques qui allaient contribuer à diffuser la pensée néoplatonicienne dans l’Italie de la Renaissance. L’une des périodes les plus cruciales de l’histoire du monde: celle de la fin ultime du dernier avatar de l’Empire romain mais, surtout, le début d’une nouvelle ère qui verra triompher un subtil mélange de théologie chrétienne et de philosophie grecque et dont, volens nolens, nous sommes toujours aujourd’hui les héritiers.