C’est en tout cas le leitmotiv du journaliste français Philippe Cohen-Grillet dans l’enquête qu’il vient de publier et qui démontre qu’un lien existe entre la mort d’une jeune fille au Caire, en 2009, et l’attentat qui a touché le Bataclan, à Paris, en 2015. Au centre de l’affaire, un djihadiste belgo-tunisien d’une trentaine d’années, Farouk Ben Abbes. Celui-là même qui, il y a quelques mois, a reçu de la France une somme rondelette au titre de dédommagement suite à un imbroglio administratif digne de Courteline.
Retour en 2009: cette année-là un groupe de lycéens français fait du tourisme dans la capitale égyptienne. Pendant plusieurs jours, ils sont pistés par des hommes inquiétants et, le 22 février, une bombe explose sur leur passage, tuant net une jeune fille de 17 ans du nom de Céline Vannier et blessant 24 autres personnes. Des suspects sont arrêtés, dont Farouk Ben Abbes et une Française d’origine albanaise. Les Égyptiens les soupçonnent de préparer deux attentats en France: l’un contre le Bataclan, l’autre contre une cible israélite quelque part en région parisienne. Ben Abbes et sa complice sont extradés vers la France et, dans la foulée, le parquet antiterroriste de Paris et le parquet fédéral de Bruxelles ouvrent des informations judiciaires. Mais si les indices sont sérieux, les preuves manquent et, en fin de compte, la justice française prononcera un non-lieu. Mais le 13 novembre 2015, le scénario du pire se réalise: Paris est frappée de plein fouet par des attentats d’une ampleur inégalée et dont, justement, celui du Bataclan est le point d’orgue. Alors que s’est-il passé durant près de six années? Pourquoi la justice, les services de police et de renseignement ont-ils cafouillé à ce point? Pourquoi n’a-t-on jamais mis en place une protection ni averti les propriétaires du Bataclan de la menace qui planait sur ce haut lieu de la vie nocturne parisienne? Philippe Cohen-Grillet va plus loin encore en accusant directement les plus hauts responsables de l’État de l’époque dont Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, et Christiane Taubira, garde des Sceaux, d’avoir menti dans cette affaire. Un désastre de plomb.
Philippe Cohen-Grillet est journaliste et écrivain. Spécialiste des dossiers de terrorisme, il écrit pour Le Canard enchaîné, Paris Match, Le 1, Médor et Espace de Libertés.