Le phénomène n’est pas neuf, mais voilà qu’il ressurgit. Quoi ça? Mais la croisade antidrogue menée par l’Église de scientologie, pardi! Sans doute rassérénée par l’issue d’un récent procès (1), voilà qu’elle relance sous nos latitudes sa campagne de distribution de pseudo-outils de prévention en matière de drogues.
Bons patriotes, les scientologues belges souhaitent ainsi aider les autorités dans leur combat contre la drogue. « Nous sommes réhabilités, nous sommes des citoyens belges et nous avons la volonté d’aider notre pays, par le biais notamment de nos campagnes de prévention contre la drogue », expliquait benoîtement Éric Roux, porte-parole de l’Église de scientologie, cité par Ouest France, à l’issue du procès (2). Nous étions donc prévenus.
À l’instar d’autres questions de société, les scientologues ont, en effet, investi le terrain de la lutte contre la drogue depuis de nombreuses années. Régulièrement, l’Église de scientologie répand ses pseudo-outils de préventions de par le monde. Dans un article publié par Trialogue en 2012, Marie-Hélène Salah alertait déjà sur la distribution en toute boîte de fascicules de ce type en Belgique et sur le risque que ceux-ci représentaient tout particulièrement pour un public jeune et non averti, ainsi que pour le milieu scolaire (3).
Nouvelle campagne de distribution à Bruxelles
Récemment donc, nombre de fascicules prétendant ne dévoiler rien moins que « la vérité » sur les drogues ont à nouveau été distribués dans plusieurs communes bruxelloises (à Saint-Gilles et Molenbeek notamment). Ainsi, une habitante de Saint-Gilles nous a rapporté avoir reçu dans sa boîte aux lettres le petit livret émis par ceux qui croient détenir « La vérité sur le cannabis ».
Ici encore, comme à son habitude, la scientologie avance masquée, tapie en caractères minuscules (loupe indispensable!) à l’arrière de la farde de présentation reçue, elle, sur demande. Celle-ci reprend les différentes productions de la Fondation pour un monde sans drogues et propose, outre les susdits fascicules, des DVD primés par d’obscures récompenses, une « invitation à mieux nous connaître » ainsi que, bien sûr, une proposition de don. Rien, par contre, n’indique le patronage de « l’Église » sur les fascicules distribués en toute boîte, si ce n’est une similitude d’adresse.
Prosélytisme ou non?
Manière d’approcher un public fragilisé? Prosélytisme déguisé? Difficile à démontrer et surtout impossible à interdire comme le rappelait récemment Jean-Claude Maes, psychologue et président de SOS Secte à Bruxelles, dans une intervention à la RTBF (4).
Néanmoins, en 2015 en France, la distribution de ce type de fascicules s’est accompagnée, de manière avérée, de prosélytisme. Lors d’une compétition sportive à Lacanau, les animateurs d’un stand de l’association Non à la drogue, oui à la vie – mouture française de la Fondation pour un monde sans drogues – faisaient signer des pétitions et prêchaient ouvertement pour l’Église de scientologie, à l’insu des organisateurs (5).
Les dangers d’un discours de prévention simpliste
À l’heure où de nombreuses associations ainsi que des institutions internationales posent le constat de l’échec de la prohibition et militent pour une autre politique en matière de drogues, la riche scientologie inonde encore et toujours la planète de sa « vérité ». On pourrait prendre le parti d’en sourire tant le propos tenu est caricatural, si la scientologie n’avait déjà démontré sa grande capacité de nuisance en la matière. S’il est vrai que la liberté d’expression est et doit rester totale et qu’il semble impossible de faire interdire leurs publications, il s’avère néanmoins essentiel de dénoncer la dangerosité de leur discours simpliste, basé sur la peur, moralisateur et stigmatisant, surtout en des matières touchant à la santé; ainsi que de mettre en garde vis-à-vis de leur technique d’approche.
Des arguments et pratiques sans valeur scientifique
Il est important de rappeler, une fois encore, que les informations fi gurant dans les différents fascicules publiés par la scientologie n’ont aucune valeur scientifique et médicale. Que l’Église de scientologie se caractérise notamment par son rejet de la psychiatrie et des médicaments psychotropes qu’elle assimile à des drogues. Que le rejet de certaines connaissances scientifiques conventionnelles et leur remplacement par des « techniques » de soin propres à sa doctrine lui ont déjà valu plusieurs condamnations (6).
C’est le cas par exemple des centres de désintoxication Narconon, présents dans plusieurs pays, qui proposent des traitements basés sur les enseignements de L. Ron Hubbard, fondateur de la scientologie. Pratiques controversées, risques pour la santé et maltraitance avérée de patients ont notamment poussé, en avril 2012, l’Agence de la santé et des services sociaux de la Mauricie et du Centre-du-Québec à refuser d’accorder une certification au centre de désintoxication de Trois-Rivières, menant ainsi à la fermeture dudit établissement (7).
Pour une information neutre, dénuée de jugement, et pertinente sur les drogues, il est dès lors indispensable de se référer à des publications sérieuses émanant d’associations reconnues en matière de prévention et de réduction des risques telles qu’Infor Drogues ou Modus Vivendi.
(1) Toutes les préventions ont été jugées irrecevables ou prescrites.
(2) « Belgique. L’Église de scientologie “réhabilitée” contre “la drogue” », mis en ligne le 26 avril 2014, sur www.ouest-france.fr.
(3) Marie-Hélène Salah, « La scientologie à la porte de nos écoles », dans Trialogue n°67, 2012, pp. 15-16.
(4) Fabrice Gérard, « Saint-Gilles: des brochures “anti-drogue” éditées par l’Église de la Scientologie », mis en ligne le 30 août 2016, sur www.rtbf.be.
(5) « Lacanau: quand l’Église de scientologie recrute chez les surfeurs », mis en ligne le 18 août 2015, sur www.leparisien.fr.
(6) Marie-Hélène Salah, loc.cit.
(7) Gaétan Pouliot, « Narconon a floué et maltraité des patients, selon la Commission des droits de la personne », mis en ligne le 14 avril 2014 sur http://ici.radio-canada.ca.