Ceux qui sont familiers de l’œuvre protéiforme de Véronique Bergen ne seront probablement pas étonnés par Tomber vers le haut, un recueil de textes courts (dira-t-on de poèmes? Non, pas seulement) dans lequel l’inclassable écrivaine-philosophe – et collaboratrice régulière d’Espace de libertés – s’est alliée à la plasticienne belge Helena Belzer pour nous offrir un petit bijou délicatement édité par Pierre-Yves Soucy à La Lettre volée.
Un dialogue-duel entre la peinture de l’une et l’écriture de l’autre qui nous emporte vers d’autres modalités du réel. Les mots de Véronique ne sont pas là pour « expliquer » les acryliques ou les encres d’Helena mais bien pour nous les donner à « voir ». Ne savons-nous donc plus regarder? Ou bien regardons-nous sans voir? Véronique Bergen ne préjuge de rien, et ne donne surtout pas de leçons, mais ce qu’elle propose ici est une manière de « réalité augmentée », une façon d’ « éventrer » l’œuvre peinte de sa comparse/complice. Osera-t-on, ici, parler d’expérience spirituelle? Et pourquoi non? Il y a de l’exploratoire dans la démarche des deux femmes, et l’abstraction, comme le dit Véronique Bergen,
Touche à mille côtés, se distribue sur mille plateaux.
Ne me hisse pas vers le haut qui est le vrai bas
Depuis que la rose des vents
Est morte dans les charniers
Le hier promène ses doigts
Sur les plaies de labyrinthe cosmique
Les yeux roulent sous tes pieds
Avant de regagner leur orbite.