Espace de libertés – Novembre 2016

L’École active populaire: une pédagogie alternative pour tous


École
C’est en plein cœur du quartier de Cureghem que l’Université populaire d’Anderlecht (UPA) a créé, il y a 3 ans, l’École active populaire. Son objectif: permettre aux enfants de la commune d’accéder aux pédagogies actives et nouvelles. Un enjeu majeur dans le système éducatif en Belgique mais encore trop peu valorisé par les pouvoirs décisionnaires.

Depuis plusieurs années, quelques écoles primaires et secondaires tentent d’appliquer les pédagogies actives et nouvelles (et nous en faisons l’écho tous les mois dans cette rubrique, NDLR). Au vu du succès et des résultats concluants de ces pédagogies “alternatives”, de nombreuses initiatives citoyennes et associatives se mobilisent pour donner accès à ces méthodes d’enseignement aux nouvelles générations. C’est le cas de l’École active populaire (EAP).

Une école populaire pour lutter contre les inégalités

“Nous avons commencé à organiser des stages en partenariat avec deux écoles de Cureghem. Nous avons observé avec le corps enseignant que les enfants intégraient et acquéraient bien mieux les matières et les compétences du programme scolaire en cinq jours de stage qu’en plusieurs semaines de classe. Après avoir multiplié les stages et face au succès de ces méthodes d’apprentissage, nous avons décidé d’ouvrir l’École active populaire”, nous explique Soumaya Mettioui, directrice de l’UPA.

Cette école d’un nouveau genre comprend trois pôles: le soutien scolaire, la formation en pédagogie active et le parrainage. La déclinaison s’est construite d’elle-même. Maïa Kaiss, coordinatrice de l’EAP précise: “Ce qui est intéressant, c’est que plutôt que d’amener des idées en réunion d’équipe, nous partons des idées de notre public pour faire mûrir nos projets.” Elle ajoute: “La formation en pédagogie active et le soutien scolaire sont conjointement nés d’une réalité de terrain assez prégnante dans les quartiers dits “populaires”. D’une part la demande importante d’aide à la scolarité (la demande venant aussi bien des parents que des institutions scolaires), de l’autre un constat interpellant: les écoles de devoirs ouvrent précipitamment les unes après les autres, mais sans connaître la légitimité des encadrants, ni leurs réels bagages pour s’associer à l’école et aux apprentissages.” C’est pour cette raison que l’EAP propose des formations en pédagogie active avec des stages donnés à l’école de devoirs. Cette année, 51 enfants y sont inscrits et bénéficient d’un soutien scolaire qui applique des pédagogies alternatives avec des encadrants qualifiés.

La pédagogie active et nouvelle pour tous?

En Belgique, le système scolaire officiel ne tire pas suffisamment parti des pédagogies alternatives. Les écoles qui initient ces méthodes sont souvent des initiatives privées venues de citoyens mécontents du système actuel. Les familles concernées sont bien souvent déjà initiées et informées et souhaitent offrir une haute qualité d’enseignement à leurs enfants. Dans les milieux dits “populaires”, les initiatives de ce genre sont peu présentes car les familles ne connaissent tout simplement pas ces pédagogies alternatives. C’est au monde associatif qu’incombe donc le rôle de formateur et d’informateur. Mais comment les familles perçoivent-elles ces nouvelles méthodes? Maïa Kaiss relate la réalité rencontrée dans le soutien scolaire à l’UPA: “Bien souvent, les parents sont surpris de voir que bouger dans la classe, c’est aussi apprendre. Qu’il ne suffit pas d’apprendre ses tables de multiplication par cœur mais qu’il faut aller plus loin, saisir leur utilité, définir de nouvelles techniques pour mieux y arriver. Ce qui aujourd’hui nous autorise à penser que ces pédagogies ont leur place dans les milieux populaires et ne sont pas uniquement dues aux origines, au milieu.”

Outre la question lancinante du financement des outils et des structures nécessaires pour appliquer ces pédagogies, il faut avant tout qu’elles soient connues et reconnues auprès des acteurs concernés: élèves, parents, professeurs, écoles et pouvoirs publics. C’est pourquoi le ministère de l’Enseignement doit être en mesure d’informer, de sensibiliser et de légiférer autour de la question de l’évolution de l’éducation en Belgique. Sans une réforme illustrant un soutien des pouvoirs décisionnaires, l’éducation est condamnée à stagner ou à exister seulement à travers des initiatives privées, au risque de s’essouffler et/ou d’exclure une partie de la société pour finalement creuser encore plus profondément le fossé des inégalités.