Espace de libertés – Janvier 2018

Carte blanche

Moins d’un trimestre après la rentrée scolaire, les idées et propositions se bousculent déjà pour faire du cours de philosophie et de citoyenneté (CPC) une pleine réussite. Et il est temps!


Comme le soulignent cinq députés réformateurs de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) dans une audacieuse proposition de décret: « Aujourd’hui, l’expérience nous démontre malheureusement qu’une réforme utile peut être entravée par manque de lucidité ou de courage politique. » (1) En effet, si le CPC a aujourd’hui été généralisé à l’ensemble de notre enseignement officiel, le choix de faire coexister une heure obligatoire de ce nouveau cours avec une heure de religion ou de morale non confessionnelle a d’emblée montré ses limites.

Difficultés organisationnelles, insuffisance de temps sur le plan pédagogique, informations tardives… Ces écueils ont été dénoncés par de nombreuses voix, même par des inspecteurs de religion catholique, dans une récente et tonitruante interview: « Ce système aboutit à l’impraticabilité des cours philosophiques dans beaucoup d’écoles officielles », assure Paul Verbeeren, l’un des inspecteurs interviewés par Le Soir. « Le compromis que l’on croyait pacifiant pose problème aux politiques, aux professeurs, aux directions, aux élèves… » (2)

Ces critiques avaient déjà largement tinté aux oreilles de nos responsables politiques. Dans la conclusion de son chantier des idées, le 26 novembre dernier, le PS demandait dans sa proposition n°29, dès 2019 « la généralisation pour tous les élèves, quel que soit le réseau d’enseignement, d’un cours de philosophie et de citoyenneté de minimum de deux heures par semaine donné par des enseignants spécifiquement formés ».

1 + 1 = 2, pas 1!

Dans le même ordre d’idées, passant dé nitivement la surmultipliée, c’est carrément une proposition de décret qu’ont déposée cinq députés du MR le 7 décembre dernier avec un objectif clair: passer dès la rentrée scolaire de 2019 à un CPC de deux heures par semaines dans l’enseignement officiel. Ce faisant, le MR se positionne de façon forte dans ce dossier et, surtout, au-delà des discours, dépose une proposition concrète.

Comme le capharnaüm actuel découle en grande partie du modèle « 1+1 » adopté par le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, ces deux partis politiques font résolument le choix des générations futures en proposant, certes selon des modalités différentes, de passer dès la prochaine législature à un véritable cours commun de philosophie et de citoyenneté pour tous. C’est la seule façon de pouvoir répondre au programme ambitieux de ce nouveau cours, comme de dépasser les innombrables problèmes organisationnels et pédagogiques, qui ont émaillé son introduction.

Certes, les éternels esprits chagrins (3) brandiront à nouveau (et maladroitement) la Constitution pour empêcher toute réforme mais, cette fois-ci, comme le relèvent habilement les députés réformateurs dans l’exposé des motifs de leur proposition (4), la volonté politique d’avancer vers un cours de deux heures semble bien affirmée et partagée pour, au plus tard, la prochaine législature.

Recentrage sur les enfants

Enfin, on peut relever aussi que ladite volonté politique est également, à terme, de faire bénéficier tous les élèves de la FWB de ce CPC de deux heures. Promesse qui signifie que l’étrange exonération dont le réseau privé confessionnel est actuellement gratifié, à savoir ne pas devoir organiser un véritable CPC, aurait vécu: ce ne sera que logique comme l’avait relevé la section de législation du Conseil d’État dans un avis du 7 septembre 2015 en précisant que ce CPC correspond précisément à ce qu’exige la convention des droits de l’enfant en son article 29 et que l’intérêt supérieur de l’enfant prime sur la liberté d’enseignement.

Heureusement! Car instaurer un CPC de deux heures obligatoire pour tous les élèves et proposer, de manière optionnelle et à la demande, un cours de religion ou de morale non confessionnelle hors grille horaire constitue l’un des moyens d’arriver à une école en phase avec les réalités du XXIe siècle.

« Le temps est une construction », a écrit Antoine de Saint-Exupéry. Et en ce brumeux début d’année 2018, les lignes bougent. Petit à petit. En attendant, une proposition de décret est sur la table du Parlement et constitue un appel pour toutes les forces démocratiques désireuses de voir ce dossier évoluer. Que chacun prenne ses responsabilités!

 


(1) Exposé des motifs de la proposition de décret du 7 décembre 2017 modi ant diverses dispositions relatives aux cours de philosophie et citoyenneté, de religion et de morale non confessionnelle déposée par MM. Jean-Paul Wahl, Philippe Knaepen et Jacques Brotchi, Mmes Valérie Warzée-Caverenne et Carine Lecomte, p. 7.
(2) Éric Burgraff, « Un appel pour révolutionner le cours de religion et morale », dans Le Soir, 18 décembre 2017.
(3) Lire Manu Van Lier, « Quel avenir pour les cours de religion?« , mis en ligne sur www.cathobel.be, le 11 décembre 2017.
(4) L’Open VLD propose de remplacer dans l’enseignement obligatoire les cours de religion et de morale par un cours de levenbeschouwing, ethiek en filosofie (LEF); le 18 juillet dernier, la députée Joëlle Maison indiquait que « les mandataires DéFI n’ont jamais fait mystère de leur souhait de voir émerger un cours substantiel de deux heures pour l’ensemble des élèves »; quant à Écolo, il a historiquement toujours défendu un cours de deux heures de philosophie et de citoyenneté.