Espace de libertés – Avril 2015

Coup de pholie

Le monde est micro- ou macrocosme, indéterminé, vaste, dissous dans les milliards de visions du monde de celui qui s’y trouve, s’y retrouve, s’y perd. Les philosophies (ou dogmes) et leurs adeptes plus ou moins fidèles ont, de tout temps, levé des objections, camouflé les sublimes, élaboré des hypothèses, ont fait coïncider le pratique et la métaphysique, ont fusionné les absolus avec des techniques. Surtout elles se sont acharnées à épuiser l’extase, interdire la chair, l’ivresse, à réduire l’autonomie. L’angoisse de l’Homme face à la mort ou à la vie impose qu’il s’évertue à ignorer causes et conséquences de ses actes. Après des millions d’années de vie cellulaire «intelligente» de survie et de métamorphose, aucun confort, aucune amnistie ne lui sont octroyés. L’Homme perpétue souillures, semences vénéneuses, pénétrations forcenées. C’est avéré et mal barré.

Il persiste, au sein du monde, au moins un espace de liberté-s. Il n’est ni récent (des traces dès l’Égypte ancienne), ni géographiquement circonscrit. Il résiste aux inconsistances de procédés gouvernementaux, cléricaux, sociaux même si la production, la distribution de ses produits subissent ou frôlent l’amoralité. Cet espace est souvent individuel, parfois collectif, rarement vanté. Il permet à ceux qui le rencontrent, le traversent, l’endurent aussi, d’être à côté du réel, en deçà ou au-delà d’une rigidité, d’un déterminisme.

Cette drôle de liberté serait l’apanage des artistes, des écorchés, des lucides, des blasés. Cet espace hors champ est surtout un outil de répit, un moyen de survie. Peu importe (de manière rhétorique) la quantité ingérée, fumée; il est question de passerelle. La possibilité de l’ailleurs préserverait de la barbarie. Cette autorisation de l’à côté, cette perpétuation du rêve et de l’interdit serait l’ultra-dessous ou l’hyper-dessus, permettrait le vivable –tant que la perte de l’ici reste volontaire et pas issue du crime organisé écrasant les individualités.

L’Idéal artificiel peut pousser à la fureur matérielle, terrasser la force spirituelle –tout en rendant l’imagination de l’Homme plus subtile– et épuiser graduellement ses forces physiques mais «le bon sens nous dit que les choses de la terre n’existent que bien peu, et que la vraie réalité n’est que dans les rêves (1. Drogues douces ou moins, médicaments, alcools, tabacs, arts, sports extrêmes, super-consommation…: exercices compensatoires, implosions réparatrices… De bien piètres dédommagements face aux incommensurables grossièretés que les systèmes proposent et que nos sociétés imposent.

 


Ad augusta per angusta: Vers de grandes choses par des voies étroites.

(1) Charles Baudelaire dans Les Paradis artificiels.