Espace de libertés – Avril 2015

Osons les Cannabis Social Clubs


Dossier

Depuis la moitié des années 90, plusieurs pays européens ont élaboré un modèle de production, de distribution et de consommation de cannabis qui réduit les problèmes et les coûts policiers, stimule la production et l’usage responsables du cannabis et permet aux autorités de surveiller l’intégralité du processus, de la culture à la consommation.


Les Cannabis Social Clubs (CSC) sont des associations à but non lucratif qui organisent la production d’une quantité limitée de cannabis pour la consommation personnelle de leurs membres, comme alternative au marché illégal. On peut en créer dans tous les pays où la possession de cannabis à des fins de consommation personnelle est dépénalisée (1). En effet, lorsqu’elle ne fait pas l’objet de poursuite, il est clair que la culture des quantités de plants nécessaires à cet usage doit également être tolérée.

Dans un Cannabis Social Club, la culture du cannabis se fait dans le respect de normes de santé et de sécurité: pas d’utilisation de produits chimiques, pas de vol d’électricité, et contrôle du risque d’incendie. La distribution est organisée conformément à une politique de promotion de l’usage sûr et responsable des produits. L’intégralité du processus est transparent pour les membres des CSC, de même que, si nécessaire, pour les autorités.

Pour ce qui est du concept, le Cannabis Social Club est destiné à protéger les consommateurs et à les rendre autonomes et responsables. Les CSC leur donnent la possibilité de contrôler la production de ce qu’ils consomment et d’arrêter d’être victimes de manipulation. Un CSC ne relève ni du secteur privé, ni du secteur public. Le fonctionnement démocratique propre à tout CSC permet à chacun de ses membres d’avoir un droit de regard sur son administration et de participer aux principaux processus de décision.

L’offre répond à la demande, et non l’inverse

La capacité de production d’un CSC est fondée sur le niveau attendu de consommation de ses membres. Au début de chaque année, l’offre est organisée afin de répondre à leur demande. Si des membres arrivent en cours d’année, ils sont placés sur une liste d’attente jusqu’à l’augmentation de la capacité de production. Un CSC ne recherche pas activement de nouveaux membres et ne fait pas de publicité. Il croît lentement, mais sûrement. Dans les pays où les autorités locales collaborent avec le concept (Espagne), les Cannabis Social Clubs cultivent dans un lieu central, de préférence une serre. Ailleurs (comme en Belgique), la culture se déroule au domicile de certains membres. Les cultivateurs sont des collaborateurs autonomes et reçoivent régulièrement la visite d’experts qui estiment les quantités de cannabis produites.

Un but non commercial

Un CSC n’achète et ne vend pas de cannabis: il fournit un service. Le prix repose sur une estimation réaliste de ce service et ne couvre que les coûts techniques, personnels et administratifs. Une marge bénéficiaire peut être incluse, pour autant qu’elle soit réinvestie dans l’amélioration des services. L’objectif du club est, notamment, de stimuler parmi ses membres l’expertise en matière de culture de cannabis, de manière à étendre le principe de la «culture maison». En ce qui concerne le prix, les termes «droits d’adhésion» seraient plus appropriés, et les montants exacts doivent d’ailleurs être approuvés par l’Assemblée générale des membres.

Transparence

Les CSC sont des entités juridiquement reconnues. Elles sont tenues d’informer annuellement les autorités fiscales de leurs activités. Leur organisation interne est démocratique et participative. L’organe décisionnel est l’Assemblée générale annuelle, à laquelle tous les membres sont invités et où tous les participants disposent d’une voix. Cette AG sert à présenter et à approuver le rapport financier et descriptif de l’année écoulée, ainsi que le programme de l’année suivante. Si un groupe de membres estime qu’il est nécessaire de poser des questions concernant un modus operandi en particulier, il peut proposer d’en débattre. Les membres du Conseil d’administration sont élus pour une période déterminée, au cours de laquelle ils peuvent être remis en cause et éventuellement contraints de démissionner si suffisamment de membres approuvent la requête.

Santé publique

Tout au long du processus de culture, les CSC visent à ce que le cannabis cultivé soit conforme aux normes de l’agriculture biologique. L’utilisation de produits chimiques est totalement proscrite. Les méthodes de récolte, de traitement et de stockage sont à la hauteur des normes attendues pour les produits phytothérapeutiques. Parallèlement au cannabis distribué, les clubs fournissent des informations en ce qui concerne la puissance du produit et ses effets attendus et, si possible, un récapitulatif des ingrédients actifs.

On ne peut pas simplement s’inscrire à un Cannabis Social Club et commencer à consommer. Le processus d’admission passe par un entretien dans lequel on s’informe de l’histoire de la consommation de cannabis du candidat, ainsi que de sa prise de conscience des risques liés à son utilisation. Les membres sont continuellement informés des manières de réduire ces risques, notamment en utilisant les vaporisateurs qui permettent de renoncer au mélange avec du tabac, ou en apprenant à transformer les produits du cannabis en denrées comestibles –cookies, par exemple.

Pour nombre d’entre eux, leur adhésion à un CSC conduit à une réduction de leur consommation.

Grâce aux relations entre pairs qui sont caractéristiques des CSC, les informations sur les effets des différentes variétés peuvent être rapidement partagées. Il arrive souvent que de nouveaux membres qui avaient l’habitude d’acheter du cannabis en rue ne connussent même pas l’existence des deux principales catégories de cannabis, le sativa et l’indica. Au terme de quelques années au Club, ils seront capables de faire la distinction entre des dizaines de variétés, et apprécier lesquelles répondent le mieux à leurs besoins. De ce fait, leur consommation devient également plus efficace. Pour nombre d’entre eux, leur adhésion à un CSC conduit à une réduction de leur consommation.

Les CSC offrent également des services privilégiés aux personnes qui consomment du cannabis pour raison médicale. Il peut s’agir d’un traitement préférentiel lorsqu’ils sont sur liste d’attente, d’une réduction sur les prix ou de la protection de variétés types présentant une valeur médicinale spécifique, notamment les plants contenant un taux élevé de canabidiol. Les clubs sont aussi une source importante d’informations pour les professionnels de la santé qui désirent étudier les qualités médicinales du cannabis ou fournir à leurs patients une solution sûre.

Ouvrir le dialogue avec les autorités

Les CSC sont partisans de toute forme de dialogue avec les autorités, dans l’objectif de réaliser ce but commun: lutter contre le commerce de stupéfiants en rue et son lot de nuisances (acheteurs et revendeurs agressifs, manipulation des jeunes par des dealers, vols et fraude). Si les autorités sont prêtes à collaborer dans le cadre de ce concept, certaines règles concernant la production, le transport, le stockage et la distribution peuvent faire l’objet d’un accord. Les personnes qui collaborent avec les CSC peuvent être identifiées, afin de prévenir toute confusion.

Soutien à l’activisme (inter-)national

Les Cannabis Social Clubs sont créés par des activistes, et le soutien à l’activisme est important pour assurer leur avenir. L’objectif ultime des CSC est d’aboutir à une régulation globale du cannabis qui garantisse les droits de tous les consommateurs et producteurs. Par conséquent, tout CSC devrait adhérer à des plateformes nationales et internationales d’activistes concernés par la problématique du cannabis, qui servent de points de référence auprès des membres et du grand public. Ces plateformes peuvent également constituer des lieux de médiation, éventuellement en cas de conflit avec des membres ou avec un autre CSC. ENCOD a créé une plateforme de Cannabis Social Clubs européens grâce à laquelle même les groupes qui ne sont pas un club en tant que tel peuvent avoir accès à un réseau de soutien prêt à les aider à faire leurs premiers pas. Créons des milliers de CSC en Europe. Vive la révolution verte!

 


(1) De plus, selon la Convention européenne des droits de l’homme, les citoyens ont le droit de constituer une association de défense de leurs intérêts. Les autorités n’ont pas le droit de s’y opposer pour autant que les activités de cette association ne menacent pas l’ordre public. www.cannabis-social-clubs.org