Espace de libertés – Avril 2015

Réorganisation des cours philosophiques: les enjeux pédagogiques


École

Dans l’épineux débat sur la réorganisation des cours philosophiques à l’école, les enjeux pédagogiques –telles la problématique de la formation des enseignants et celle du contenu du programme de cours– constituent, au même titre que les enjeux politico-juridiques et culturels, des questions essentielles à considérer dans la perspective de changement programmée pour la rentrée 2016 par la dernière coalition PS-cdH.


Si le gouvernement souhaite enfin timidement briser le statu quo qui persiste depuis la loi du Pacte scolaire (1959), la question du maintien de l’emploi reste pourtant la condition sine qua non à cette évolution. Il est certes indéniable que cette proposition constitue une avancée intéressante puisqu’elle prévoit d’instaurer dans l’enseignement officiel un cours d’éducation à la citoyenneté qui rassemblerait tous les élèves, « dans le respect des principes de la neutralité, en lieu et place d’une heure de cours confessionnel ou de morale laïque » (1). Ce cours serait en outre « doté de référentiels spécifiques, incluant un apprentissage des valeurs démocratiques, des valeurs des droits de l’homme, des valeurs du vivre ensemble et une approche historique des philosophies des religions et de la pensée laïque » (2).

Formation et contenu

Toutefois, cette proposition pose question quant aux modalités de sa mise en œuvre. Au-delà du fait que ce cours d’éducation à la citoyenneté se cantonnera exclusivement au réseau officiel, permettant alors au réseau libre de ne pas toucher au cours de religion, il serait opportun, dans ce cas de figure, que parallèlement à une réflexion interconvictionnelle entre les professeurs de l’ensemble des cours philosophiques, chaque professeur de religion puisse échanger avec les élèves au sujet de sa propre conviction, en adoptant une vision historique du phénomène religieux, dénuée de toute connotation prosélyte. De même, sans préjuger de l’absence de neutralité des professeurs de religion et si l’on considère le sens moderne de la notion de citoyenneté, marquée par l’émancipation du joug du droit divin à l’origine de la sécularisation de nos sociétés, les matières liées à l’apprentissage des valeurs démocratiques et des droits de l’homme pourraient davantage être confiées aux professeurs de morale. De la sorte, les emplois seraient garantis et la mise en œuvre du cours ne poserait pas de problème particulier. De même, le principe de neutralité en vigueur dans notre pays pourrait être respecté puisque personne ne prendrait le risque de se heurter à enseigner de manière détournée la conviction d’un autre.

Maintenir l’emploi à tout prix?

Cependant, cette solution est loin d’être satisfaisante. Sans aller jusqu’à parler de suppression des cours de religion et de morale qui se confronterait à toute une série d’obstacles politico-juridiques, il serait judicieux d’imaginer que ces matières relatives à la citoyenneté, aux valeurs démocratiques, aux droits de l’homme, mais également à l’enseignement des religions, ne fassent non pas l’objet d’un cours spécifique, unique, donné une heure par semaine, mais renvoient au contraire à des compétences transversales, au travers d’activités concrètes et de matières abordées en classe. Dans ce cas, il serait probablement nécessaire de repenser notre système scolaire. Et puis, pourquoi vouloir à tout prix confier un tel enseignement aux professeurs de religion ou de morale, si ce n’est uniquement pour assurer leur emploi? Dans ce schéma, il va de soi qu’il faudra réfléchir à la formation de tous les enseignants, à la fois continuée, par le biais de rencontres et d’échanges pédagogiques notamment, ou initiale, en introduisant par exemple des modules de formation en hautes écoles et à l’université, quelle que soit la discipline étudiée. Car il importe que tout un chacun, élève et enseignant, adhère à ces valeurs. Par ce biais, la question de l’emploi ne se poserait à nouveau pas, maintenant intacte l’organisation mais malheureusement également le cloisonnement des cours philosophiques. Nous pouvons dès lors le constater, le débat autour de la question de la suppression des cours philosophiques et le combat pour la laïcité ont encore de beaux jours devant eux.

 


(1) «Fédérer pour réussir. Déclaration de politique communautaire 2014-2019», Fédération Wallonie-Bruxelles, juillet 2014, p. 10.

(2Ibid.