Espace de libertés – Janvier 2015

Assemblée du dimanche: ceci n’est pas une messe


Dossier

Les athées sont souvent considérés comme des individus sceptiques qui se méfient des dogmes ou des mouvements organisés. Toute tentative visant à les convaincre de se réunir sous une même bannière apparaît donc comme une mission quasi impossible. Pourtant, un nouveau mouvement affirme avoir réussi à créer une communauté au sein de laquelle tous les non-croyants sont les bienvenus, une assemblée unie visant à célébrer le miracle de la vie, sans dogme et sans dieu.


« Vivre mieux, aider souvent, s’émerveiller plus », tel est le slogan of ciel de Sunday Assembly, une initiative qui entend créer un réseau mondial de non-croyants, similaire aux communautés traditionnelles que l’on retrouve dans toutes les grandes religions. Le principe est simple: Sunday Assembly invite les gens à se réunir et à participer à des assemblées visant à célébrer la vie sans pour autant vénérer un dieu. Le mouvement a été lancé par les comédiens Pippa Evans et Sanderson Jones en 2013. La première assemblée a eu lieu dans une ancienne église londonienne et a réuni 300 personnes. Le message de Sunday Assembly semble avoir trouvé un écho auprès des non-croyants puisque de telles assemblées sont désormais organisées aux quatre coins du monde. Actuellement, plus de 60 groupes se réunissent régulièrement, de Los Angeles à Sydney et même à Bruxelles (1).

Le mouvement Sunday Assembly a pris des mesures concrètes pour recréer le ciment social des communautés religieuses, mais au bénéfice des non-croyants.

Bruxelles vaut bien une « messe »

Malgré son intention de réunir une « congrégation » de personnes désireuses de célébrer la vie, le dimanche, et parfois dans d’anciennes églises, il serait injuste de comparer ces assemblées à des services religieux traditionnels. Chaque groupe peut élaborer son propre programme et une assemblée peut donc inclure des discussions sur les découvertes scientifiques, de l’improvisation théâtrale, des chants en chœur sur des chansons de Queen, ou simplement des conversations conviviales autour de quelques biscuits et d’une tasse de thé. Il n’est jamais fait mention de Dieu lors de ces assemblées dont les participants se déclarent généralement athées, humanistes et agnostiques. Pour donner encore plus de poids aux principes humanistes du mouvement, le groupe original –celui de Londres– a rapidement cessé d’organiser ses événements dans une église désaffectée au profit du Conway Hall –la plus ancienne société de libre pensée et d’éthique du Royaume-Uni.

On dit souvent qu’il manque un sentiment de communauté aux athées, contrairement à leurs homologues religieux. Pour y remédier, le mouvement Sunday Assembly a pris des mesures concrètes pour recréer le ciment social des communautés religieuses, mais au bénéfice des non-croyants. D’ailleurs, le développement du mouvement s’explique en partie par le nombre de membres qui ont quitté une religion organisée en raison de leur non-croyance en Dieu, mais qui souhaitaient continuer à faire partie d’une communauté. Mais Sunday Assembly ne se présente pas seulement comme un havre pour les convertis à l’athéisme un peu perdus. Le mouvement indique explicitement sur son site internet que son principal objectif est de lutter contre l’augmentation de la solitude chez tous les membres de la société. Le site fait d’ailleurs référence à une étude qui révèle que 40% des adultes américains se sen- tent seuls et qu’un adulte britan- nique sur 10 admet n’avoir aucun ami proche (2).

© Olivier Wiame

De l’hostie au gâteau

Mais pour créer une communauté durable et dynamique de non-croyants, il ne suffit pas d’organiser des karaokés et de manger du gâteau. Le mouvement est géré par des bénévoles qui sont tous invités à participer activement à l’élaboration du programme de chaque assemblée dominicale et à contribuer au financement de l’organisation globale à travers des initiatives de financement participatif. Le mouvement fait aussi un peu de prosélytisme: les individus tentés de le rejoindre sont encouragés à s’associer à des personnes partageant des opinions similaires pour créer un nouveau groupe dans leur région. Le mouvement n’est néanmoins pas centré sur lui-même et les initiatives visant à renforcer les liens entre les « assemblées du dimanche » et la communauté au sens large sont fréquentes. L’un des messages clés partagés lors des assemblées est que les participants devraient s’aider mutuellement dans leur vie quotidienne. Ils sont invités à devenir des « héros de l’action communautaire », par exemple en créant des banques alimentaires pour les personnes dans le besoin.

« Schisme » non croyant

Cependant, comme dans tous les mouvements, des divisons sont aussi apparues dans l’organisation Sunday Assembly, essentiellement à la suite de désaccords portant sur le fait que le mouvement devrait explicitement se présenter comme athée et accorder la priorité aux thèmes liés à l’athéisme lors des assemblées. En janvier de cette année, des membres de la branche new-yorkaise de Sunday Assembly ont quitté le mouvement pour fonder leur propre organisation: « Godless Revival ». La rupture était principalement due à des désaccords entre certains membres et la direction de Sunday Assembly sur l’accent à mettre sur l’athéisme lors des événements. La direction estimait qu’en accordant encore plus d’importance à l’athéisme dans le mouvement, de nouveaux membres pourraient être découragés de rejoindre l’organisation. La cofondatrice Pippa Evans a même argumenté que le terme « athée » avait une connotation négative et était associé à des individus agressifs condamnant la religion et les croyants (3).

Honnêtes, les dirigeants du mouve- ment reconnaissent qu’être décrits comme « une Église pour athées » a été un puissant outil de marketing, qui a permis de susciter un intérêt pour ces assemblées et de les faire connaître. Cependant, Sanderson Jones et Pippa Evans sont convaincus que le mouvement doit continuer de célébrer la vie, et non célébrer l’athéisme. Pippa Evans a même une vision optimiste de la rupture, qu’elle compare à un « fantastique développement de produit » (4).

Le temps nous dira si d’autres sceptiques de la communauté athée seront convaincus par le cocktail unique de découverte, d’émerveillement et de mise en scène proposé par Sunday Assembly. Toutefois, ce qui est certain, c’est que le mouvement ne montre aucun signe de faiblesse: de nouvelles branches devraient ouvrir l’an prochain au Ghana, au Mexique et en Chine.

 


(1) La première Sunday Assembly bruxelloise a eu lieu le 28 septembre dernier au pied de l’Atomium.

(2) Sanderson Jones, « Sunday Assembly More Than Doubles In Size In One Day #AssembleEverywhere », mis en ligne le 17 septembre 2014, sur http://sundayassembly.com.

(3) Pippa Evans, « How to Build an Atheist Church: Day 4, atheist church – the double edged sword », mis en ligne le 5 août 2014, sur https://newhumanist.org.uk.

(4) Esther Addley, « Atheist Sunday Assembly prepares for first “synod” as expansion continues », mis en ligne le 29 avril 2014, sur www.theguardian.com