Espace de libertés – Janvier 2015

Quitte à ne pas croire, autant être athée


Dossier

L’athéisme est un choix libre-exaministe, positif, conscient et réfléchi. Il se présente comme une évidence acquise à l’horizon d’une émancipation personnelle. Il n’est pas intangible ni optionnel et pas davantage suspendu à une révélation à venir.


L’athéisme est ferme et résolu, il s’agit bien de croire que Dieu n’existe pas et non pas d’être ignorant, en attente d’une bien hypothétique révélation de transcendance. L’incroyance est encore pour d’aucuns un pêché, sa tolérance au sens de la reconnaissance, du respect de l’autre et de sa différence a encore du chemin à faire, des étapes à franchir pour ouvrir des trouées de lumière au milieu des obscurantismes castrateurs. Par ailleurs, la caractéristique d’athée n’est pas une « qualité » qu’il convient de surévaluer.

Le droit à la différence est une exigence légitime mais ne peut, en aucun cas devenir un privilège, impliquer une hiérarchisation, être le tremplin vers un sentiment de supériorité non fondé. Les athées ne sont ni le peuple élu, ni le peuple vaincu, mais un ensemble d’individus convaincus de la non-existence de Dieu. Ces personnes n’errent pas tout au long de leur vie dans un néant spirituel, dans un désert fait de matérialisme exacerbé et d’individualisme forcené. L’homme étant la mesure de toute chose, l’expérience nous a appris que l’on pouvait, dès lors, s’attendre au pire comme au meilleur. Le balancier de la responsabilité individuelle dans la tourmente des faits de vie oscille, pour les athées comme pour tout le monde, entre le sublime et l’horreur.

L’athée, fermement attaché à sa liberté de non-croyance, devrait être particulièrement attentif d’accorder cette liberté aux croyants. Cette attitude est heureusement bien répandue, le prosélytisme n’était pas au menu de l’athéisme mais l’homme a ses faiblesses que la raison ne redresse pas et le sentiment de petit supplément d’âme, alors qu’ils n’en ont pas, anime parfois certains athées mono-conceptuels.

Une certaine conception du monde

Michel Onfray, référence en matière d’athéisme, soulignait que la mode, ces temps-ci, était à la laïcité. Mais, précisait dans la foulée que la laïcité ne pouvait être un fourre-tout dans lequel on dilue ses principes actifs, à savoir la séparation Églises/État et la liberté de conscience, que ces principes soient submergés sous le couvert de la liberté d’expression du droit de croire, d’exprimer voir d’imposer sa conviction religieuse. Dans un tel scénario, l’athéisme se voit confirmé dans l’espace clos et contraint de faire profil bas, alors même qu’il ne porte en lui aucun germe de prosélytisme, de dogmatisme, ni de signes débordant de l’espace public pour venir s’immiscer dans les services publics. L’athéisme n’a d’ailleurs pas l’ambition de vouloir se substituer à la laïcité politique, tel n’est pas en son sens son essence; il s’agit d’une conception du monde et non d’un principe de gestion de la société. L’athéisme doit rester privé et se garder de toute velléité de « théocratie athée », conception anachronique dans laquelle il est prudent de ne pas se faire enfermer.

Lorsqu’on s’arrête de compter les étoiles et les astres radieux à qui Dieu donna beauté et éclat…, on peut se pencher l’instant d’un détour sur les sondages, les enquêtes et les statistiques qui soulignent l’importance du contingent des athées. Le décompte, quand on ne tient pas compte de l’absence de démarches prosélytes, n’est pas négligeable et vient nuancer l’omniprésente affirmation prophétique du retour du religieux dont l’image est brouillée par les manifestations exacerbées des mouvements animés par des extrémistes religieux.

Réalité vs perception

Dans une enquête de l’Eurobaromètre en juin 2005, 52% des Européens affirmaient croire en un dieu, et 18% disaient qu’ils ne croient en aucune forme de divinité, d’esprit ou de force supérieure (le plus fort taux étant atteint en France, avec 33% d’athées). Les personnes indiquant qu’ils croient en un dieu étaient minoritaires dans 15 pays de l’Europe des 25. Il ressort de ces comparaisons statistiques que, globalement, en 2012 et dans l’ensemble du monde, l’athéisme déclaré représente 13% de la population étudiée. De plus, les personnes interrogées se déclarant « sans religion » totalisent 23% (seules, 4% se déclarent « sans opinion » ou ont refusé de répondre). En terme de « régions du monde », les régions ayant le plus fort pourcentage de personnes se déclarant « sans religion » sont, par ordre décroissant: l’Extrême-Orient (57%), l’Amérique du Nord (33%), l’Europe de l’Ouest (32%), le Proche- Orient et l’Asie du Nord (ex aequo à 30%), l’Europe de l’Est (21%), suivis par le monde arabe (18%), l’Amérique latine (13%), l’Asie du Sud (11%) et l’Afrique (7%). À la lecture de ces don- nées, on se rend compte du paradoxe entre la réalité et la perception de l’évolution sociétale, en matière de sécularisme et de référence au religieux.

La place occupée par le religieux, dans les médias, dans l’espace public, voire dans la sphère publique, la focalisation sur le choc des identités culturelles et cultuelles sur fond de dualisation, de crise, le flux migratoire pourraient faire croire que la non-croyance est un état marginal partagé par quelques mécréants perdus dans les nébuleuses du doute, alors qu’il s’agit pour un nombre croissant d’un choix affirmé et assumé pour faire face aux réalités contemporaines.