L’athéisme est communément considéré comme la doctrine qui nie l’existence de Dieu. Si l’on admet comme telle la dé nition de l’athéisme, le bouddhisme peut être considéré comme athée.
Le bouddhisme ne reconnaît en effet l’existence d’aucun être supérieur, d’aucun Dieu ou force divine qui serait à l’origine ou aux commandes de l’univers, qui serait responsable de la création de l’homme et du monde des phénomènes. À la différence de l’agnostique, qui ne souhaite pas se prononcer sur l’existence ou l’inexis- tence de Dieu, le bouddhiste adopte la position de l’athée pour qui l’idée d’un Être suprême n’a aucun sens, ni celle de l’existence d’une âme. Cependant, quand on énumère les grandes religions mondiales, le bouddhisme gure en bonne place dans les encyclopédies. Les signes extérieurs, l’existence de temples, de monastères, de statues de Bouddha et de divinités diverses laissent en effet penser qu’il s’agit bel et bien d’une religion.
On pourrait être tenté de qualifier [le bouddhisme] de religion sans Dieu. Il me semble cependant plus approprié de parler d’une spiritualité sans Dieu.
Une religion sans Dieu?
Dans son acception occidentale, une religion est un ensemble déterminé de croyances et de dogmes définissant le rapport de l’homme avec le sacré. Si l’on retient cette définition, le bouddhisme ne peut être considéré comme religion. Il n’y a dans le bouddhisme aucun dogme, aucun point considéré comme une vérité incontestable. Le Bouddha lui-même a dit qu’il ne fallait pas croire en ses enseignements, ne pas les prendre pour des vérités divines, mais qu’il fallait les examiner par l’étude, la réflexion et la méditation a n d’en comprendre le sens. Il s’agit donc plutôt d’une démarche que l’on peut qualifier de libre-exaministe. Un exemple de ce genre d’exercice est la méditation sur les quatre sceaux: toute chose composée est impermanente; toute émotion est douleur; aucune chose n’existe en elle-même et par elle-même; le nirvana est au-delà des concepts. Chacun de ces thèmes énoncés par le Bouddha nécessite une réflexion en profondeur. Elle aboutit forcément à la conclusion qu’il ne peut y avoir un Dieu créateur ou l’existence d’une âme. Il n’existe dans le bouddhisme aucun mystère dont la compréhension serait impossible pour le commun des mortels, même si la réalisation de la sagesse nécessite de dépasser la démarche intellectuelle dualiste et de faire appel à la méditation introspective.
On l’a donc bien compris, même si on ne peut pas le considérer comme religion au sens théiste ou dogmatique du terme, il est incontestable que dans le bouddhisme, la spiritualité joue un rôle capital. Bien que l’expression soit antinomique, on pourrait être tenté de le qualifier de religion sans Dieu. Il me semble cependant plus approprié de parler d’une spiritualité sans Dieu. Et c’est là que l’on peut à nouveau établir un parallélisme entre le bouddhisme et une certaine approche de l’athéisme telle que promue par André Comte-Sponville.
Bouddha, cet être éveillé
Le Bouddha n’est donc pas considéré comme un dieu, mais comme un homme qui a atteint ce que l’on appelle l’éveil, c’est-à-dire la réalisation de la vraie nature de l’esprit, et dont l’enseignement consiste à montrer le chemin par lequel on peut réaliser cet état de lucidité et de clarté inhérent à chacun. Dans ce sens, le Bouddha historique n’est pas un être divin mais plutôt un guide, l’exemple d’un homme qui a pleinement réalisé le potentiel que tout être humain peut atteindre. Au fil des siècles, dans les différents pays asiatiques, l’on constate qu’à côté d’un enseignement plutôt philosophique et spirituel transmis dans les monastères, les universités bouddhiques et les ermitages, il existe un bouddhisme populaire où l’on va prier devant l’image du Bouddha pour obtenir de bonnes récoltes, pour avoir un fils ou pour préserver la prospérité. Il est un fait que partout où il est arrivé, le bouddhisme a intégré des croyances religieuses ou chamaniques locales. Sauf dans des cas extrêmement rares où il a été détourné pour servir des volontés de puissance ou des dérives nationalistes, comme ce fut le cas pour toutes les idéologies, philosophies ou religions, il reste que l’on peut se réjouir du fait que, tout au long de l’histoire et dans toutes les régions où il s’est installé, le bouddhisme ait réussi à préserver et à véhiculer son message de paix, de tolérance et de non-violence.
Des représentations évanescentes
Un autre élément qui peut faire penser qu’il s’agit d’une religion est la présence d’un grand nombre de bouddhas, de bodhisattvas, de divinités masculines et féminines, paisibles ou courroucées. C’est notamment le cas dans le bouddhisme mahayana et vajrayana, qui s’est développé dans les grandes universités bouddhiques de l’Inde du Nord jusqu’au XIIIe siècle et qui a été transmis jusqu’à ce jour au Tibet, en Mongolie et dans les pays himalayens, mais aussi en Chine, au Japon, etc. Pour comprendre cette richesse iconographique qui a souvent été source de confusion, il faut savoir que cette école bouddhique utilise des techniques de méditation visant à transformer les émotions perturbatrices telles que la haine-colère, la jalousie, l’orgueil, la convoitise et l’ignorance. À chacun de ces poisons mentaux qui alimentent les tendances égocentriques sont associés des couleurs, des mandalas, des sons, etc., que ces techniques vont utiliser pour transformer ces énergies grossières en sagesses correspondantes. Le pratiquant va donc utiliser la visualisation de ces formes et divinités et la récitation des mantras associés pour paci er et maîtriser le flux des pensées vagabondes et pour cultiver les qualités inhérentes à l’esprit. Ces divinités ne sont que des symboles que l’on doit dissoudre en vacuité à la fin de chaque exercice. Elles représentent des qualités telles que l’amour, l’altruisme, la force, la beauté et la sagesse.
La question de savoir si le bouddhisme est une religion ou non a été tranchée à l’unanimité au sein de l’Union bouddhique belge en 2006, au moment où la demande de reconnaissance comme philosophie non confessionnelle a été introduite auprès de la ministre de la Justice selon le §2 de l’article 181 de la Constitution qui s’applique aussi à la laïcité, et non selon le §1 qui concerne les cultes.