L’Académie royale de Belgique organisait du 4 au 6 décembre dernier un colloque international sur la liberté d’expression.
Lors du débat en table ronde animé par Monsieur Eddy Caeckelberghs, face à Messieurs Tariq Ramadan et Guy Harpigny, il m’est rapidement apparu utile de rappeler les fondements de cette liberté. Je pense plus particulièrement à l’article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui consacre la liberté de pensée, de conscience et de religion et à l’article 10 qui a trait à la liberté d’expression.
Cette dernière n’est évidemment pas absolue. Elle peut être contrainte, limitée par le respect d’un autre droit fondamental tel que le droit au respect de la vie privée ou par une loi, elle-même respectueuse des droits fondamentaux. Songeons notamment aux sanctions pénales prévues en cas d’incitation à la haine des personnes, de diffamation ou de calomnie. Cette nuance me permettait, au grand étonnement de mes interlocuteurs, d’éviter d’emblée l’écueil de deux quiproquos et d’un sophisme.
Le premier quiproquo consiste à confondre le respect de la liberté de religion avec le respect de la religion. La liberté de religion consacre au contraire le droit absolu de choisir sa religion, de la discuter, d’en évaluer les mérites, de la disputer, d’en changer, voire de n’en avoir aucune. Le droit à la liberté religieuse établit ainsi sans contestation possible le droit à l’apostasie et au blasphème.
Le deuxième quiproquo consiste à penser, comme les théologiens et les ministres des cultes que « Dieu » serait doté des attributs de la personne: il exprimerait sa volonté, dirait sa loi, parlerait à ses prophètes, ministres et théologiens. « Dieu » au contraire est un concept. Il n’existe pas en qualité de personne. Il n’est pas un sujet de droit et n’est titulaire ni de droits ni d’obligations. En d’autres termes, il ne bénéficie pas de la protection de la Convention.
Si l’on évite ces deux écueils, le sophisme propre aux religions abrahamiques est irrémédiablement démasqué. Une atteinte à la religion –qui n’est jamais qu’une doctrine de la foi– ou à « Dieu » –qui n’accède pas à la qualité de personne humaine– ne peut plus se confondre avec un manquement à la dignité ou à l’intégrité de leurs adeptes.
Ces prémices acceptées par nos amis croyants, le débat sur les limites à la liberté d’expression peut commencer. Il m’a paru particulièrement fructueux au moment où le récent rapport annuel de l’IHEU sur la liberté de pensée témoigne de ce que les athées et laïques sont toujours persécutés dans de nombreux pays.