Espace de libertés – Janvier 2015

Arts

L’accès pour tous au musée reste une science inexacte. Mais, à défaut de révolution, certaines évolutions vont dans le bon sens.


Si certains musées ont développé de réelles politiques en matière d’accessibilité pour les publics dits “fragilisés”, que ceux-ci soient en situation financière précaire ou victimes de handicaps, d’autres continuent à fermer les yeux sur cette frange de visiteurs potentiels. Une situation humainement intolérable, mais surtout simplement illégale, puisque l’accès à la culture figure, depuis 1948, dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, en son article 27: “Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent.” Piqûre de rappel par l’ONU. Qui adopte en 1993 la résolution 48/96, stipulant que “les États feront en sorte que les handicapés soient intégrés dans les activités culturelles et puissent y participer en toute égalité”.

Mais force est de constater que nous sommes encore loin du compte. Et que tout le monde n’entre pas dans la culture sur un pied d’égalité, ou de plain-pied. Paru en 2011, le livre Les musées aiment-ils leur public? de Bernard Hennebert dresse le constat de la “commercialisation des musées”. Et pointe toute une série de dysfonctionnements agitant certaines politiques muséales. Si la liste pointe des soucis d’un autre ordre (présentation incomplète de la tari cation, préventes obligatoires, œuvres annoncées mais finalement retirées de l’espace d’exposition…), elle s’appesantit aussi évidemment sur le peu d’aménagements parfois destinés à accueillir les personnes victimes d’un handicap, ou celles ne disposant pas d’un portefeuille suffisamment bien garni pour payer le tarif plein.

Un accès (in)adapté

Concernant les personnes moins valides, il faut cependant être de bon compte. Les lieux culturels ont souvent la (regrettable) particularité d’occuper des bâtisses peu propices à l’accessibilité. En effet, il s’agit souvent de bâtiments anciens et couramment classés. Il est donc compréhensible que l’accessibilité architecturale y soit assez médiocre. Cependant, des aménagements particuliers sont couramment réalisés afin d’améliorer la situation (rampes d’appoint, transformations succinctes…). Mais ils ne sont pas toujours suffisants. Nous en voulons notamment pour preuve quelques extraits de “l’indice passe-partout” (indice de la qualité de l’accessibilité d’un bâtiment), relevés par l’ASBL GAMAH (Groupe d’action pour une meilleure accessibilité pour la personne handicapée): sans citer le nom des institutions incriminées, le rapport épingle un véritable parcours du combattant: “Afin de compenser les nombreuses marches de l’entrée, une rampe a été placée. Mais le visiteur en chaise roulante doit encore franchir une marche pour accéder à l’accueil. En outre, la rampe permettant d’y accéder est de pourcentage beaucoup trop élevé pour être franchie en sécurité.” Heureusement, signe très encourageant, lorsque des rénovations sont réalisées, elles tiennent, enfin, généralement compte des publics moins valides. On pointera par exemple les excellents aménagements dont sont pourvus le Musée Félicien Rops à Namur, ou le Grand Curtius à Liège.

Musée sur mesure

Autres très bons élèves: les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique. Avec leur concept du “musée sur mesure”, qui fait office de maître étalon en la matière. Cette politique d’accessibilité s’articule autour de quatre axes: “Équinoxe” pour les visiteurs aveugles et malvoyants; “Sésame” pour les associations sociales; “Comète” pour les publics fragilisés et enfin, “Langue des signes” pour les sourds et malentendants. Au programme: des visites spécifiques et étudiées pour chaque type de visiteurs.

Enfin, question coût de l’escapade, on précisera que de nombreux musées du pays sont gratuits chaque premier dimanche du mois. “C’est essentiel de conserver cette accessibilité gratuite”, pointe-t-on au Musée du jouet, situé rue de l’Association, en plein centre de Bruxelles. “Elle nous permet d’attirer un public qui ne viendrait jamais au musée autrement. Mais une bonne accessibilité ne commence pas à nos portes.” De fait, en quittant les lieux, nous nous heurtons à des trottoirs défoncés, des bordures trop hautes pour les fauteuils roulants, un stationnement payant. Et réalisons de fait qu’il reste du pain sur la planche au niveau urbanistique autour des musées. Mais ça, c’est (hélas) une autre histoire.