Une interview de Victor Grezes
L’InterFaith Tour (1) n’a pas laissé l’homme sans foi au bord du chemin. Quelques mois après la fin de son tour du monde des actions interreligieuses aux côtés de quatre jeunes représentants des différentes convictions philosophiques, Victor Grezes, athée de 21 ans, a raconté à « Espace de Libertés » son expérience.
Espace de Libertés: En quoi consiste le projet InterFaith Tour?
Victor Grezes: De juillet 2013 à juin 2014, cinq jeunes (chrétien, juif, musulman, agnostique et athée) ont décidé de réaliser ensemble le premier tour du monde des actions interreligieuses. Fruit d’un partenariat entre Sparknews (journalisme de solution) et Coexister (mouvement interreligieux de jeunes), le projet a vu le jour alors que les religions subissent toujours davantage l’instrumentalisation et le fondamentalisme. Pendant ce voyage de 10 mois à travers 50 pays, notre objectif était de faire connaître la diversité des projets interreligieux déjà existants et espérer réduire les clivages entre les religions et les sociétés en diffusant au plus grand nombre les plus de 435 initiatives interreligieuses que nous avons rencontrées.
Quelles sont vos attentes en matière de résultats à long terme?
Compte tenu du vrai succès du premier tour, nous avons prévu de continuer à partager les rencontres déjà effectuées sous forme de reportages, d’ouvrages et de conférences, mais aussi de continuer la recherche en envoyant, dès l’été 2015, une nouvelle équipe dans de nouveaux pays. L’équipe 2.0, constituée de quatre jeunes –dont trois filles– est déjà en train de travailler sur son parcours dans le monde et la façon de contribuer à l’enrichissement des travaux réalisés par l’équipe 1.0.
Votre initiative a-t-elle reçu un accueil différent selon qu’il s’agissait de catholiques, de musulmans, de protestants, de juifs, de bouddhistes…? Avez-vous rencontré des réticences?
Bien sûr, il y a des extrémistes partout, dans toutes les religions, et non-religions, mais sur la globalité de nos actions, nous avons rencontré très peu de réticences. L’accueil est toujours très positif, quelle que soit l’appartenance de l’interlocuteur. On nous demande souvent si certains athées sont véhéments à l’encontre de nos actions. La réalité nous oblige à répondre que non, d’une part car notre projet inclut des jeunes de toutes religions, ainsi que des non-croyants, et d’autre part car pour nous, l’interreligieux n’est pas une nalité mais au contraire un outil au service du vivre ensemble qui concerne tout le monde.
Avez-vous l’un ou l’autre épisode amusant à raconter?
De la Bosnie à la Turquie, du Liban à l’Égypte, du Burkina au Kenya, du Japon à la Malaisie, de l’Indonésie à l’Australie, de l’Argentine au Brésil, des États-Unis au Canada, nous avons interrogé ceux qui favorisent les liens et l’entente entre les individus de différentes communautés. Au cours de ce périple, nous avons été reçus par le pape François, le grand iman d’Al-Azhar, le patriarche maronite du Liban, le patriarche de Constantinople et le petit fils de Gandhi. Afin de revivre ces rencontres, il est toujours possible de visionner nos vidéos de 3 minutes publiées toutes les semaines sur notre site.
Quel est votre programme d’activités pour les prochains mois/années?
Nous continuons à donner des conférences et à former l’équipe 2.0. Dans le même temps, l’association Coexister, qui a hébergé le projet, continue à regrouper toujours plus de jeunes au sein de groupes locaux (dont certains en Belgique) afin de promouvoir l’interreligieux. Le schéma est le suivant: dialogue, solidarité et sensibilisation. Le pôle « dialogue » est le premier pas de la coexistence. Il vise à une meilleure connaissance de soi et des autres. On peut par exemple organiser une visite de lieux de cultes, un débat, une conférence, un repas partagé un soir de fête, une exposition ou une séance de cinéma. Tout est prétexte à la découverte de ce qui fait que l’Autre est différent de moi. Le pôle « solidarité » se met en action dès qu’on a passé l’étape du dialogue. Il vise à offrir des expériences de services à des jeunes qui ne partagent pas la même identité ou la même conviction. Auprès des personnes âgées, des sans-abris ou des orphelins, par le biais du don du sang, de la collecte de vêtements ou de jouets, le pôle solidarité recentre les individus vers un objectif commun tout différents qu’ils soient. Enfin, le pôle « sensibilisation » est l’aboutissement de notre démarche. Il propose des ateliers et des outils de lutte contre les préjugés. En offrant de rencontrer collégiens, lycéens, étudiants ou entrepreneurs, les jeunes de Coexister peuvent témoigner de leur expérience au sein d’un groupe et porter haut le message de la coexistence active au service du vivre ensemble. Par le biais d’outils pédagogiques très précis, ils peuvent par la même occasion aider au décryptage du principe de liberté de conscience et de religion, à la déconstruction des clichés pour motifs religieux et à l’apprentissage de la laïcité.
(1) Site web d’InterFaith Tour: www.interfaithtour.com.