L’hébergement alternatif désigne toute structure d’accueil différente d’une maison de repos ou de l’aide à domicile: logements kangourous (1), structures communautaires ou solidaires, résidences-services… La députée bruxelloise Magali Plovie (Écolo) s’est fait une spécialité de ces questions qui intéressent un nombre toujours croissant de personnes…
Espace de Libertés: pourriez-vous nous parler de quelques expériences pilotes?
Magali Plovie: Je pourrais vous parler d’Andromède, mais ce n’est plus vraiment une expérience pilote: nous avons un rez-de-chaussée constitué de logements sociaux avec cinq chambres d’une personne, des communs, un accompagnement personnalisé assuré par le CPAS, une aide-ménagère et une personne qui s’occupe des courses. La Maison Biloba, à Schaerbeek, est une structure d’hébergement couplée à un centre d’accueil de jour, ouvert aux personnes d’origine étrangère. L’idée est d’ouvrir le lieu sur l’ensemble de la population, il ne s’agit donc pas d’une démarche communautariste. Nous avons travaillé sur ce sujet avec le Centre pour l’égalité des chances. La mixité va de soi et cela se passe très bien. On peut encore citer les logements kangourous, comme à Molenbeek où, dans des maisons bruxelloises rénovées, se côtoient familles et personnes âgées, avec un accompagnement social pour s’assurer que la synergie fonctionne.
Il appartient aux sociétés de logements sociaux d’investir dans des résidences-services.
D’autres projets plus ambitieux existent, notamment créés de toutes pièces. Mais les moyens existent-ils au niveau des CPAS pour les financer?
De quoi a-t-on besoin? À Bruxelles, une programmation de logements alternatifs, surtout des résidences-services de type social. Les pensions commençant à être sous le seuil de pauvreté, il faut donner cette possibilité-là. Les résidences-services sont prioritaires, parce qu’elles rassurent, garantissent à la personne un suivi ininterrompu; c’est aussi utile dans la lutte contre l’isolement. Ça donne une vraie réponse à certaines personnes qui ont du mal à quitter leur logement social, une réponse bien adaptée à leur situation, qui facilite le déménagement et rend leur logement disponible pour d’autres familles. C’est vrai, les moyens ne sont pas disponibles. Il appartient aux sociétés de logements sociaux d’investir dans des résidences-services.
Qui va financer cela?
Il incombe à la Région et des instances telles, à Bruxelles, la Cocom, via des ASBL, de compléter « les briques » et d’implémenter les services à proposer. Prenons un exemple, celui du projet Tivoli (développé par la SDRB (2)): un très gros projet avec plusieurs centaines de logements. Pourquoi ne pas créer au sein de cet ensemble une petite parcelle d’habitations solidaires, notamment pour des personnes porteuses d’un handicap? Ce seront des appartements autour d’un lieu de vie. Vous aurez un appartement communautaire pour PMR (3), des personnes vieillissantes et des familles, autour de cette structure. Il faut pouvoir réserver une parcelle pour des projets de ce type dès lors que les budgets existent. Cela se fera dans la durée, évidemment.
Les personnes en âge avancé peuvent-elles avoir confiance dans l’élaboration de tels projets les concernant à l’avenir, dès lors que le montant de leur pension s’annonce en réduction?
C’est un peu plus compliqué que cela… Il faut pouvoir répondre d’abord aux besoins des gens en fonction de leur état de santé et de leurs besoins en terme de dépendance. Les aînés préfèrent rester chez eux, nous devons donc développer les aides à domicile. Mais à Bruxelles, un grand nombre de personnes âgées ne peuvent plus payer leur logement et on en arrive à leur proposer une maison de repos. Ça ne va pas. Les alternatives doivent permettre une vision sociale et actuellement, des résidences-services existent mais elles sont juste impayables! Donc, c’est le privé commercial qui prend la main et développe dans des communes riches des structures à 3000, 4000 euros par mois.
Avec le danger que l’une d’entre elles porte plainte pour concurrence déloyale contre le CPAS?
C’est un vrai combat. La réponse est dans la justice. Il est essentiel de protéger ce secteur de toute mise en concurrence possible. Pour l’instant, on s’en sort bien mais il ne faut pas tarder à boucler le dossier au niveau européen, avec une vision très large. Or, certains ont une vision très restrictive! Dans ce domaine, il me semble délicat de privilégier le profit à la qualité du service et au coût social.
Quand on conçoit les nouveaux types d’hébergements, les usagers ou futurs usagers sont-ils consultés? C’est leur avenir qui est en jeu…
Le problème est de définir qui seront les usagers. Associer les personnes âgées, cela peut se faire de plusieurs manières; via un conseil consultatif pour rendre des avis, en lien avec les associations, avec la population. Mais on doit faire en sorte que la représentativité des personnes consultées soit légitime. Cela demande du temps et de l’argent: un animateur doit aller à la rencontre des gens. À Scheut (4), par exemple, nous avons un projet pilote pour lequel des animateurs sont allés chez les personnes âgées pour les interroger, les entendre. Car elles ne se déplacent pas facilement! C’est aux promoteurs d’adapter leurs méthodes aux aînés, d’aller à leur rencontre à leur écoute.
Qui peut se payer un logement alternatif de bonne qualité?
Dans les logements kangourous, pas de problème, puisque c’est une finalité sociale et les commerciaux ne s’y intéressent pas. Pour les résidences-services, c’est vrai que l’accès est difficile et qu’il y a peu de concurrence de la part des pouvoirs publics. Les CPAS sont demandeurs, mais n’ont pas les moyens de les développer. Dans les prochaines années, on devra mettre l’accent sur ces alternatives au commercial cher, mais il faudra échelonner cela sur plusieurs années, sans quoi ce sera impayable. La priorité, ce sont les alternatives et le maintien à domicile. À cet égard, une initiative comme « 1 toit 2 âges » (5) est intéressante: il s’agit d’une association qui aide les personnes âgées propriétaires d’un grand logement à l’aménager pour y accueillir un ou deux étudiants.
(1) Structures accueillant des personnes âgées et une famille, par exemple.
(2) Société de développement pour la Région de Bruxelles-Capitale.
(3) Personnes à mobilité réduite.
(4) Quartier d’Anderlecht.
(5) www.1toit2ages.be.