Espace de libertés | Juin 2014 (n° 430)

Uneus, programme policier ou intégré?


Libres ensemble

Uneus se présente comme une nouvelle manière intégrale et intégrée de travailler à la commune de Saint-Gilles. La première étape du processus fut le déploiement de policiers dans des quartiers sensibles. Avec des résultats chiffrés impressionnants. Mais derrière les statistiques, le reste du programme se fait attendre.


À l’heure du bilan, la commune de Saint-Gilles affichait son plaisir: la criminalité de rue avait baissé de 43,34% depuis le lancement d’Uneus, pour « Union pour un environnement urbain sécurisé ». Mais encore? Trois équipes de huit policiers en plus dans les rues entre le quartier de la place Bethléem et du square Jacques Franck. Trois équipes de huit policiers à la fois de proximité, connaissant le quartier, répondant à toutes les sollicitations, de la criminalité au trou dans la chaussée. Au total, 30 policiers supplémentaires arpentent le « bas » de Saint- Gilles (entre la gare du Midi et la barrière). Cet effectif supplémentaire a été obtenu par le détachement volontaire (avec leurs missions) de policiers et par une intervention financière annuelle de 400.000 euros de la commune.

Flics et voyous

Avec des policiers toujours affectés au même (petit) périmètre, les contrôles d’identités (et leurs désagréments liés) ne sont plus nécessaires: voyous et flics se (re)connaissent. D’un côté, les plaques minéralogiques des voitures banalisées sont gravées dans des bancs, sur des murs. De l’autre, si un délinquant court suite à un larcin, pas besoin de le tracer. « On le connaît, explique le commissaire Filip Bombaert qui dirige l’équipe Uneus. Comme avec les spotters au football, nous avons identifié la plupart des personnes “à problèmes”. »

Cette proximité ne transforme pas les policiers Uneus en agents de quartier. Les horaires ne sont pas les mêmes et la tâche administrative n’est pas de leur ressort: les équipes de police Uneus se concentrent sur la criminalité de rue. « Une des premières choses à réaliser était de restaurer la confiance entre la population et la police. On a contacté les commerçants, les riverains. Cela a mis du temps mais maintenant, les habitants n’hésitent pas à nous signaler des faits. »

L’avis est plus mitigé du côté du Comité de défense de Saint-Gilles (Codes). « Nous invitons systématiquement les policiers à participer à notre AG d’habitants », explique Raphaël Vanden Bosch, coordinateur du Codes depuis dix ans. « Des agents de liaison Uneus sont venus au début à deux, trois reprises. Depuis, nous ne les voyons plus. Le processus paraît déjà essoufflé. Les réflexes policiers de repli sur soi semblent reprendre le dessus. »

Raphael Vanden Bosch reconnaît à la fois des avancées d’Uneus et la difficulté du travail, mais il ne constate pas sur le terrain la réduction spectaculaire des délits. « Pour notre brocante, très vaste, nous avons engagé une équipe de sécurité de dix personnes pour gérer les éventuels débordements. Je ne suis pas dans les statistiques mais les faits de drogue ou la délinquance me semblent plutôt monter en puissance. Je reste très sceptique face à l’annonce de la moitié de délits en moins. »

Méthode

Si l’importance des résultats policiers prête à débat, ceux-ci restent malgré tout tangibles. Le reste d’Uneus l’est beaucoup moins. Pourtant, le projet se veut intégral et intégré mobilisant les acteurs sur le territoire communal pour transcender les logiques sectorielles, corporatistes ou autre. Le défi est de taille.

Le plan d’action vise à « une amélioration de la qualité de vie ». Pour y parvenir, commune, police et acteurs judiciaires composent une plateforme et un comité de pilotage qui développent les objectifs stratégiques et opérationnels. Par la suite, « le comité de pilotage créée des groupes de travail en fonction des objectifs qu’il arrêtera pour l’aider dans la réalisation de sa mission générale et supervise les travaux de ceux-ci. »

Ces groupes de travail peuvent concerner une thématique large ou un problème très spécifique, très localisé.

Dans la première phase, les acteurs de terrain (riverains, commerçants, association de quartiers, mouvements culturels, sportifs, etc.) ne sont pas conviés au diagnostic, à l’évaluation et aux indicateurs de la matière qui les concerne. N’arriveront-ils pas trop tard dans le processus? « En théorie, vous ne démarrez un projet qui si la méthodologie et le diagnostic sont prêts, explique Christine Andries, responsable communal du projet Uneus. Pour diverses raisons, Uneus a démarré avant et nous jonglons tout le temps avec la méthode. On avait deux options: soit un diagnostic pointu avec les acteurs de terrain et le risque que, cinq ans plus tard, on en discute toujours, soit le faire nous-mêmes. Avec nos expériences en interne depuis 20 ans, des constats sont validés sur le délabrement des immeubles, la mauvaise communication entre acteurs, le taux de chômage chez les jeunes, etc. J’ai les bases pour mettre les gens autour de la table et affiner le constat. » Directement à l’essentiel donc.

Problème: Uneus a été lancé depuis le 1er janvier 2013 et en un an et demi, pas un seul groupe de travail n’a été mis sur pied. Christine Andries avance des groupes de travail « officieux » réunis autour d’enjeux très spécifiques, comme les taxis clandestins, rue de Mérode. Le tout avec une vision très ponctuelle, à court terme, sans indicateurs précis, sans évaluation prévue. Ces groupes de travail ressemblent plus à des réunions qu’à des modifications structurelles. Le plan d’action Uneus évoque pourtant
une approche plus méthodique : « Le plan de travail reprend les éléments utiles (moments, capacité, moyens…) et les indicateurs de mesure pour leur évalua- tion. » Christine Andries annonce dans la foulée « 200 objectifs opérationnels et autant de groupes de travail ». Uneus embrasserait ainsi toutes les missions de la commune (à savoir tous les aspects de la vie sur une entité géographique limitée). Nouvelle usine à gaz ? « Non ! Uneus est une nouvelle philosophie de travail, explique Christine Andries. Une fois les résultats obtenus, tout le monde l’aura compris. »

Problème: Uneus a été lancé depuis le 1er janvier 2013 et en un an et demi, pas un seul groupe de travail n’a été mis sur pied. Christine Andries avance des groupes de travail « officieux » réunis autour d’enjeux très spécifiques, comme les taxis clandestins, rue de Mérode. Le tout avec une vision très ponctuelle, à court terme, sans indicateurs précis, sans évaluation prévue. Ces groupes de travail ressemblent plus à des réunions qu’à des modifications structurelles. Le plan d’action Uneus évoque pourtant
une approche plus méthodique: « Le plan de travail reprend les éléments utiles (moments, capacité, moyens…) et les indicateurs de mesure pour leur évaluation. » Christine Andries annonce dans la foulée « 200 objectifs opérationnels et autant de groupes de travail ». Uneus embrasserait ainsi toutes les missions de la commune (à savoir tous les aspects de la vie sur une entité géographique limitée). Nouvelle usine à gaz? « Non! Uneus est une nouvelle philosophie de travail, explique Christine Andries. Une fois les résultats obtenus, tout le monde l’aura compris. »

Les forces engagées pour mener à bien l’ambitieux projet? Un universitaire temps plein. Le reste de l’équipe, volontaire, ajoute Uneus à ses tâches existantes. Il reste un an et demi (sur les trois prévus) à Uneus pour convaincre.