Espace de libertés – Avril 2017

CPC : premier bilan après six mois de cours


Dossier
La mise en place de ce nouveau cours a bousculé la plupart des structures scolaires. C’est un fait. Son organisation et fonctionnement sont encore loin d’être optimaux mais après 6 mois d’exercices, les résultats semblent être encourageants. Espace de Libertés a récolté les témoignages de deux professeurs du cours de philosophie et citoyenneté.

L’heure des évaluations du nouveau cours de philosophie et citoyenneté (CPC) est proche. L’irruption de ce nouveau venu dans le programme scolaire avait été saluée comme une véritable victoire pour les uns et provoqué une énorme crainte chez les autres. Soyons honnêtes, le cours a plus souvent été sujet de polémiques et de critiques que de quiétude. Et il y avait de quoi! Les bouleversements que le CPC provoque dans l’organisation générale du corps professoral sont encore loin d’être résolus. De même, les conditions d’accès à la profession restent fort critiquées. Alors, sur le terrain, est-ce vraiment le chaos tant dénoncé ici et là? Quelques mois d’expérience d’enseignement du CPC ne sont sans doute pas encore suffisants pour tirer un bilan. Néanmoins, quelques éléments se révèlent encourageants et instructifs pour les années à venir. Témoignages de deux professeurs de CPC dans l’enseignement primaire général et spécialisé.

Le CPC comme cours général

François-Laurent Carlier enseigne le cours de morale depuis 8 ans dans l’enseignement primaire spécialisé. Depuis le mois d’octobre 2016, il enseigne le CPC à mi-temps. « Le premier changement positif que j’ai pu observer concerne le volet « citoyenneté ». Non seulement il s’agit d’une toute nouvelle matière de cours pour les élèves qui suivaient le cours de religion mais le fait d’avoir adopté le CPC dans le tronc commun du programme des cours permet à tous les élèves d’accéder aux fondamentaux de la citoyenneté et ce, quelle que soit leur conviction religieuse. On tend vers moins de clivage entre élèves. »

Géraldine Vlaminck est également professeure du CPC et enseigne à Uccle et à Ottignies. Pour elle, l’apport positif du CPC dans le tronc commun réside dans le fait qu’il a amené une nouvelle dynamique dans sa classe. Elle explique: « Avant l’arrivée du CPC, ma classe de morale était composée d’élèves provenant de classes différentes. Il n’y avait donc pas d’esprit de classe mais une juxtaposition de groupes. Depuis le mois d’octobre, c’est une nouvelle dynamique à gérer. Les élèves qui assistent au CPC proviennent de la même classe ce qui facilite et améliore les dynamique de travail. »

Géraldine Vlaminck raconte à quel point ce cours est riche d’enseignement pour elle-même et ses élèves depuis qu’il est ouvert à tous: « Alors que je voyais la question de l’origine de l’homme et de son lien direct avec l’animal, une élève qui suit d’ordinaire un cours de religion s’est sentie gênée de s’exprimer sur cette question. Je l’ai dès lors encouragée à partager sa pensée sans crainte de jugement. Son intervention a incroyablement enrichit le débat général de la classe. J’ai pu creuser très loin avec tous mes élèves sur les liens et disparité entre le religieux et le scientifique. »

Davantage d’espace et de temps pour la réflexion

Pour nos deux professeurs, un constat important est que la partie « citoyenneté » du CPC rejoint davantage le cours de morale. Cependant, la philosophie reste la plus grande nouveauté. Même si pour Géraldine Vlaminck, des questions de philosophie étaient déjà abordées dans certains cours de religion, le cours, tel qu’il est fixé aujourd’hui, permet un partage plus riche de ces questions.

– François-Laurent Carlier: Tous les élèves ont un temps précis et défini pour se questionner sur ce qui les entoure et comprendre leur environnement. Ils ont tous l’occasion de réfléchir sur les grands thèmes sociaux qui fondent notre société. Le CPC permet à tous de pousser la réflexion plus loin. Je le dis souvent: le professeur de français apprend aux élèves à écrire un texte. Mon rôle est de leur apprendre comment l’utiliser.

– Géraldine Vlaminck: Ce qui change, quand j’ai l’occasion d’enchaîner deux périodes de cours de philosophie, c’est que d’une part, j’ai l’occasion de mettre en place un meilleur dispositif de travail. D’autre part, les élèves sont motivés et j’éprouve, dès lors, un réel plaisir à enseigner la philosophie. Cet aspect non négligeant amène les élèves à se mettre dans un processus de profonde réflexion. C’est la qualité du cours qui y est optimisée.

La nouveauté permet une remise en question des acquis

La nouveauté de ce cours a bousculé l’organisation et le mode de fonctionnement de nos deux professeurs. Néanmoins, il apparaît que cette nouveauté entraîne l’apparition de certains points positifs à exploiter.

– François-Laurent Carlier: Je pense que le changement, en terme de contenu du cours, a surtout été ressenti par les professeurs de religion. Je ne peux pas parler à leur place mais tous n’avaient, par exemple, pas de formation à la neutralité. Aussi, le fait d’aborder un nouveau contenu a permis à certains professeurs de viser de nouvelles approches et remises en question. Personnellement, je trouve qu’il s’agit d’une avancée importante dans le système de l’éducation.

– Géraldine Vlaminck: Le cours de philosophie est pour moi, en tant que professeure de morale, une nouveauté absolue. J’avais heureusement suivi une formation en philosophie pendant l’été, de ma propre initiative. Mais je me rendais bien compte qu’avec l’arrivée de ce cours, mes acquis ne suffiraient pas à enseigner correctement à mes élèves. J’ai donc eu envie de me perfectionner dans ma profession, de suivre davantage de formations. En tant que professeur face à une classe d’élèves et aux enjeux de ce cours pour les nouvelles générations, il faut pouvoir rester un bon animateur et garder l’attention et l’intérêt des élèves.

Un tremplin pour la suite

Cette première année scolaire pour le cours de CPC ne fut pas de tout repos pour le corps enseignant. Beaucoup de problèmes organisationnels et fonctionnels restent à résoudre et à modifier. Mais comme Géraldine Vlaminck l’a relevé, « cette première année est un tremplin pour se lancer dans quelque chose de mieux pensé pour tous les acteurs du milieu scolaire. Il faut y croire et rassembler le plus de monde autour d’une même trame à suivre ».